Sous sa présidence, d’indéniables avancées mémorielles ont été réalisées, rappelle l’historien Benjamin Stora, qui s’apprête à voter pour lui le 24 avril.

J’entends autour de moi depuis dimanche une petite musique qui met sur le même plan Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Et certains de mes camarades de gauche, hésitent, veulent même s’abstenir, voter blanc… Sur un sujet particulier que je connais bien, celui de la mémoire de la guerre d’Algérie, je voudrais rappeler quelques faits d’évidence. Marine Le Pen est l’héritière directe d’une histoire qui est celle des partisans de l’Algérie française, parmi les plus radicaux, ceux qui voulaient tuer le général de Gaulle au moment du passage à l’indépendance de l’Algérie en 1962. Très nombreuses sont les citations où Marine Le Pen, dans la continuité de son père, refuse absolument de reconnaître la moindre responsabilité de la France dans les exactions commises au temps de la colonisation (au nom du refus de la «repentance»).

Pendant le mandat d’Emmanuel Macron, a été reconnu la responsabilité de l’État français dans l’enlèvement et le meurtre du mathématicien militant communiste Maurice Audin. Suite au rapport demandé par le président de la République que j’ai remis en juillet 2021 (1), différentes préconisations contenues dans ce rapport ont été réalisées. Pour citer quelques réalisations : la reconnaissance par la France de l’assassinat du militant des droits de l’homme l’avocat Ali Boumendjel ; l’ouverture plus large des archives françaises ; l’hommage rendu par le président français aux militants algériens tués à Paris le 17 octobre 1961 ; la relance du projet de mise en œuvre d’un Musée d’histoire de la France et de l’Algérie à Montpellier ; la tenue d’un grand colloque à la BNF et à l’IMA consacré à des figures qui se sont opposées à la colonisation, et qui a rassemblé près de 500 participants, avec les contributions de trente universitaires, français et algériens ; la reconnaissance de l’assassinat des neuf militants français tués au métro Charonne dans une manifestation anti-OAS ; le discours de pardon aux harkis, abandonnés par le gouvernement français en 1962 ; l’inauguration d’une stèle à Amboise en hommage à l’émir Abdelkader, hélas immédiatement vandalisée par ceux qui ne veulent pas de réconciliation mémorielle ; la pose d’une plaque devant le camp de Thol dans l’Ain, où étaient emprisonnés, sans jugement, les militants algériens entre 1957 et 1962 ; le dépôt d’une gerbe de fleurs du président de la République à Alger à la mémoire de l’écrivain algérien Mouloud Feraoun, et ses compagnons, assassinés par un commando se réclamant de l’OAS, le 15 mars 1962…

Les reproches n’ont pas manqué sur tel ou tel discours ou des actes accomplis en France, mais il a été réalisé sous la présidence d’Emmanuel Macron plus de gestes qu’en soixante ans de présidence française pour aborder la question difficile de la colonisation. C’est un travail de pédagogie essentiel qui commence, autour de lieux, de personnages, d’événements, en dépit des discours très violents de l’extrême droite contre mon rapport. C’est pourquoi, sans hésitation, je vote pour Emmanuel Macron le 24 avril 2022. Sans quoi, tout ce travail mémoriel, si essentiel pour les jeunes générations, en particulier celles issues du temps postcolonial, sera perdu.

Par Benjamin Stora, historien.

(1) Benjamin Stora est l’auteur d’un rapport remis à Emmanuel Macron préconisant plusieurs gestes pour réconcilier la mémoire entre la France et l’Algérie.