Video de Benjamin Stora prise à partir de son téléphone portable, lors de la remise des archives de l'Etat français par François Hollande à propos de l’assassinat de Farhat Hached, le leader syndical tunisien assassiné le 5 décembre 1952.
Hached Farhat
 (Tunisie, syndicaliste, figure nationale)
 
 Le 5 décembre 1952, alors que la question tunisienne est débattue au  sein des Nations Unies, Farhat Hached, le Secrétaire général de l'Union  générale des travailleurs tunisiens (UGTT) tombe dans une embuscade  alors qu’il roule sur la route de Radès. L’assassinat est l'oeuvre de la  « Main Rouge », organisation terroriste composée d'Européens qui ont  décidé d’opposer la violence au mouvement nationaliste tunisien. Cet  attentat intervient alors que la Tunisie est secoué par un mouvement de  protestation de grande ampleur face à l’immobilisme de la Résidence  générale et à l’absence de toute perspective en matière de réformes  politiques. C'est aussi l’époque des « fellaghas », ce mouvement  d’essence rurale, qui décide de s’attaquer par les armes à la présence  française. Dans les villes, le terrorisme frappe tous les jours. 
 Mais avec la disparition de Farhat Hached, le mouvement nationaliste  subit un coup rude. L’homme est celui qui a créé l'UGTT et en a fait une  force aussi influente que le Néo-Destour (parti nationaliste) de Habib  Bourguiba. Originaire des îles de Kerkenah, ce militant de la première  heure a su préserver l'autonomie de la centrale syndicale face aux  appétits hégémoniques du Néo-Destour. Mieux encore, parce qu'il a réussi  à convaincre ses militants de la nécessité d’une adhésion de l'UGTT à  la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et qu'il est  profondément méfiant à l'égard du Parti communiste tunisien, il est  aussi l’interlocuteur du gouvernement américain et dispose de solides  relais à Washington. Son aura est aussi importante que celle de  Bourguiba, sinon plus. 
 Son exécution n’est donc pas un hasard. Elle a été longuement préparée  par la « Main Rouge ». Jean de Hautcloque, le Résident général, en sera  même informé par ses organisateurs. Il ne prendra aucune mesure de  protection particulière pour faire protéger le leader syndical ou  l’avertir du danger qui le guette. Lorsque l’attentat aura lieu, il ne  sanctionnera pas ses services de police. Pourtant, il est de notoriété  publique que la « Main Rouge » est formée en grande partie de policiers  européens. L’assassinat de Farhat Hached restera donc à jamais impuni et  selon l’historien Charles-André Julien, « Hautcloque a lui même donné  son feu vert à l'opération ». 
 Quelques jours après la mort de Farhat Hached, son successeur à la tête  de l'UGTT, le nationaliste et hommes de lettres Mahmoud Messadi seront,  lui et son épouse, arrêtés par ordre du Résident général. Moins d’un an  plus tard, c’est au tour de Hédi Chaker, membre du Comité directeur du  Néo-Destour, d'être abattu chez lui par la Main Rouge le 12 septembre  1953.
 La mort de Farhat Hached va avoir un impact important dans le monde  arabe, à commencer par le Maroc où l’annonce de sa disparition va  provoquer d’importantes émeutes à Casablanca.
 
 Texte in Les 100 portes du Maghreb, de Benjamin Stora et Akram Elyas, Paris, Ed de l’Atelier, 1999, pages 177-178.