L'itinéraire politique de Ferhat Abbas traverse l'histoire commune de l'Algérie et de la France à son moment de plus intense tension. Incarnant une "utopie aIgerienne", le pharmacien de Sétif a parcouru toute les étapes qui, du Front populaire en 1936 aux accords d'Évian en 1962, ont conduit vers l'indépendance de l'Algérie.
Élu local avant la seconde guerre mondiale, il se fait connaître par des prises de position en faveur de l'assimilation.Il lance le Manifeste du peuple algérien en 1943 et les électeurs du deuxième collège l'envoient trois ans plus tard au Palais-Bourdon où le nouveau député musulman demande vainement que l'Algérie devienne une république intégrée à la France. Lorsque l'insurrection éclate, Ferhat Abbas tire la leçon de ces échecs, se radicalise et bascule en 1955 vers le FLN dont il rejoint les dirigeants rassemblés au Caire.
Ce déçu de la francisation sera le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne puis, au lendemain de l'indépendatÎce, président de l'Assemblée nationale. Il est écarté, dès 1963, car Ferhat Abbas exprime nettement son opposition au système du parti unique, imposé par le FLN, et son attachement au pluralisme. Il reste ainsi fidèle à l'engagement de toute une vie, celui d'un "républicain musulman" dont l'Algérie peut toujours retenir la leçon au moment où, trente ans après l'indépendance, elle se déchire dans une guerre civile larvée.
Illustration de couverture: Ferhat Abbas à Paris devant l'Assemblée Nationale (Photo: Roger Viollet)