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Ouvrages

 

Algérie histoire contemporaine 1830-1988, Préface à l’édition algérienne

Algerie_histoire_contemporaineCet ouvrage se présente comme la « fusion » de trois récits parus, en France, entre 1991 et 1994 dans la petite collection « Repères ». Il s’agissait alors de présenter à un public francophone une histoire accessible et claire de l’histoire de l’Algérie contemporaine au XIXe siècle et XXe siècle.

Le premier récit traitait de la période allant de la conquête de l’Algérie par les troupes françaises en 1830, jusqu’au déclenchement de la guerre d’indépendance en novembre 1954. Il ne s’agissait certes pas de faire commencer, coïncider, l’histoire contemporaine de l’Algérie avec celle de la conquête coloniale. C’est pourquoi, j’ai procédé à de nombreux retours en arrière dans la longue histoire de l’Algérie, de la connaissance de la « berbérie » jusqu’à la présence ottomane avec, au centre de cette chronique, l’enracinement de l’Islam parmi les populations berbères.
 
J’ai privilégié dans ce premier récit, outre la restitution des faits marquants (de la résistance de l’émir Abd El Kader à la sanglante pénétration coloniale commencée en 1832, à la terrible répression de Sétif et Guelma en mai 1945) l’aspect géographique de mon propos. L’Algérie est, en effet, un immense pays et il convenait, pour saisir les principales convulsions de l’histoire de les placer dans un cadre « physique », des grandes plaines de la Mitidja et du Constantinois aux montagnes de Kabylie ; de l’immense désert saharien au massif de l’Aurès ; sans oublier la croissance urbaine tout au long des XIXe et XXe siècle. Il m’a fallu, également, expliquer la nature du système coloniale, son mécanisme inégalitaire de fonctionnement sur le plan juridique ou économique, avec l’installation d’une énorme colonie de peuplement européenne.

Le second récit, publié en 1993, abordait, essentiellement, la guerre de libération nationale algérienne, livrée entre 1954 et 1962. Pour cette séquence décisive de l’avenir de l’Algérie, il existe, déjà, une énorme bibliographie.1 Je suis donc allé à l’essentiel, en donnant les principaux faits de cette guerre, longtemps sans nom en France : du soulèvement de novembre 1954 à la « bataille d’Alger » en 1957, en passant par le congrès de la Soummam d’août 1956, de la formation du GPRA en septembre 1958 aux accords d’Evian en mars 1962, en passant par la cruelle répression de travailleurs algériens à Paris le 17 octobre 1961. Ce travail chronologique s’accompagne de quelques aspects thématiques. C’est ainsi qu’ont été abordés les aspects économiques et humains du conflit, la lutte sévère entre le Front de Libération Nationale (FLN) et ses concurrents nationalistes (principalement les partisans de Messali Hadj, regroupés dans le MNA), ou la profonde crise morale traversée par la France (notamment à propos de la pratique de la torture), se traduisant par l’effondrement de la Ive siècle et l’arrivée au pouvoir du général De Gaulle en 1958. Les enjeux de mémoire de cette guerre cruelle, qui a laissé de nombreuses traces dans les sociétés algériennes et françaises, forment la conclusion de ce second texte.

Le dernier récit, des joies de l’indépendance de l’été 1962 à l’assassinat de Mohammed Boudiaf en juin 1992, raconte trente années d’histoire de l’Algérie indépendante. Ce texte avait été publié au moment des années sombres de l’islamisme armé, de la violence, de la tragédie subie par la population algérienne. Il s’agissait par ce travail de saisir les choix opérés par les dirigeants algériens au lendemain de l’indépendance. De l’autogestion prônée par Ahmed Ben Bella, à l’instauration d’un état fort, autoritaire voulu par Houari Boumediene, aux tentatives de « réformes » entreprises sous Chadli Bendjédid, cette chronique s’achève en 1988-1992. Moment de l’effondrement du système du parti unique, de l’effervescence démocratique et de l’arrivée sur le devant de la scène de l’islamisme radical. Dans ce panorama, où dominent fortement les aspects politiques et économiques, les côtés culturels ou idéologiques n’ont pas été oubliés avec la politique d’arabisation de l’éducation menée dans les années 1970, l’éclosion d’un « printemps berbère » dans les années 1980, ou la production littéraire (de Rachid Mimouni à Aïssa Djebbar), cinématographique (avec les œuvres de Mohamed Lakhdar-Hamina, de Merzak Allouache ou Mohamed Chouikh).

Appuyé sur une connaissance des principaux ouvrages et travaux portant sur ces périodes, de 1830 à 1992, j’ai tenté de me dégager, dans ce travail de vulgarisation scientifique, de la pesante historiographie coloniale vantant les mérites d’une « mission civilisatrice », et d’une histoire nationaliste forcément partisane puisque servant à légitimer la construction de l’etat-nation. Il reste encore sur ce sujet d’histoire contemporaine, infiniment délicat et passionné, de nombreuses incertitudes et pistes à explorer. Ce travail entend y contribuer.

Ces trois petits ouvrages ont été rassemblés en un seul, pour le public américain et publié en 2001 par la prestigieuse maison d’édition Cornell University Press. Voici ce livre présenté au public algérien au moment où le pays s’apprête à commémorer le 50e anniversaire du soulèvement contre la France coloniale. Il est heureux que, grâce aux Editions Casbah, soit mis en 2004 à la portée de tous cette histoire de l’Algérie.

 

Benjamin Stora


[1] Voir mon Dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie, paru en France aux éditions l’Harmattan en 1996.

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Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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