Retours.
La « question juive » a fait un retour remarqué dans la société française, notamment au moment du meurtre atroce du jeune Ilan Halimi en février 2006. Des manifestations de protestations se sont succédées à Paris et en province, où le gros des cortèges était composé de membres de la communauté juive. Certains observateurs ont alors évoqué les « dérives identitaires » ou « la fin d’un modèle républicain français » allant vers plus d’affirmation religieuse, de séparation avec le reste de la société ; où l’on peut désormais répertorier en France les personnes en fonction de leur origine, devenir bourreaux ou victimes en raison de son sang. D’autres ont préféré deviner dans ce processus, face à la montée de l’antisémitisme, un réflexe d’auto-protection d’une communauté de plus en plus isolée, ou cherchant à se rassembler dans l’adversité. Il était possible également de voir dans les attitudes différentes adoptées au moment de l’assassinat d’Ilan Halimi, la grande diversité sociale, politique, culturelle, des Juifs de France.

« La mémoire, nous rappelle Michel de Certeau, est faite d’éclats particuliers. Or les éclats ont la faculté de se répandre au loin, et de refaire surface là où on ne s’attend pas à les trouver.
Des jeunes exaspérés et des quartiers en ébullition, des protestations et des peurs qui se répandent d’une « communauté » à l’autre : c’est peu de dire aujourd’hui que la question des enfants de l’immigration en provenance des anciennes colonies (maghrébine ou africaine) est sur le devant de la scène en France. Mais autour des réponses possibles à cette situation dangereuse, tout est vu, souvent, par le seul prisme du religieux, celui de l’Islam. Cette référence est bien sûr décisive. Mais elle n’est pas la seule si l’on veut bien se donner la peine de comprendre les enchaînements historiques d’une telle situation. Et concernant l’immigration algérienne, une des plus anciennes en France[1], très enracinée socialement et culturellement, il y a bien d’autres histoires à raconter. En particulier celle de l’engagement politique.
Ce matin là, il y avait un drôle de courrier dans ma boite aux lettre : un petit cercueil en bois dans une grande enveloppe beige. La veille j’avais eu la surprise désagréable d’entendre sur mon répondeur téléphonique une voix d’homme qui psalmodiait des versets du Coran. Les jours suivants commencèrent des coups de téléphone, avec, au bout du fil, seulement le silence et le souffle d’une respiration. Nous étions en juin 1995. Je venais tout juste de sortir de l’hôpital, après une grave intervention chirurgicale, un quadruple pontage coronarien.
Il est des mystères qui s’épaississent à mesure qu’on s’échine à tenter de les résoudre. Depuis bientôt quatre décennies, pas un mois, pas une année ne passent, sans qu’un livre ne vienne ajouter une pierre, petit caillou ou imposant rocher, à l’auguste monument de papier consacré au général de Gaulle. Récits et analyses historiques, confidences de proche, mémoires de ministre, conversations de journaliste, romans vrais, ouvrages illustrés, bandes dessinées, s’ajoutent les uns aux autres pour allonger sans cesse une bibliographie qu’il devient de plus en plus difficile de maîtriser entièrement, mais dont les derniers ajouts révèlent les mutations de la figure gaullienne dans la mémoire collective française[1] et permettent de suivre à la trace les transformations apportées à la statue du général par ses mille et uns sculpteurs.



























































