A l’initiative de l’écrivaine Nadia Benjelloun et du militant pour la paix Ofer Bronchtein, plusieurs intellectuels, militants et chefs d’entreprise, dont Eva Illouz ou Wajdi Mouawad, appellent dans une tribune au « Monde » à reconnaître sans plus attendre la Palestine.
Nous, citoyens, appelons le président de la République et l’ensemble de la communauté internationale à reconnaître sans plus attendre l’Etat de Palestine. Cette reconnaissance doit en effet constituer la première étape pour des négociations qui mèneront à une nouvelle phase historique pour la région.
Le conflit israélo-palestinien, qui dure maintenant depuis plus d’un siècle, atteint depuis le 7 octobre et ses lendemains un paroxysme inédit inacceptable. Les extrémismes se déchaînent, entraînant une fracture de plus en plus grande entre les peuples israélien et palestinien, tous les civils innocents en payant le prix depuis six mois. Cette guerre émeut l’opinion internationale et favorise l’antisémitisme et le racisme antimusulman au sein de nos sociétés.
On le sait depuis longtemps, le problème israélo-palestinien est au cœur de la stabilité du Moyen-Orient et son règlement politique est central pour l’assurer. Or, aucune des résolutions de l’ONU, ni les ballets diplomatiques intenses destinés à demander instamment l’arrêt des combats et la libération des otages n’ont été suivis d’effet. Il est donc grand temps de réagir avec force et détermination.
La France, membre permanent du Conseil de sécurité, a depuis longtemps exprimé sa position, la seule possible et viable, par la voix de ses présidents successifs et dépassant les clivages politiques, de François Mitterand devant la Knesset à Jacques Chirac, en passant par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ces derniers ont réitéré avec vigueur la nécessité de la cohabitation de deux Etats : l’Etat d’Israël, dans des frontières sûres et reconnues – y compris par les Etats arabes et musulmans qui ne l’ont pas encore fait – et un Etat de Palestine, un vrai, souverain, à ses côtés, et qui soit membre de plein droit des Nations unies et plus seulement Etat observateur comme l’est la Palestine depuis 2012. Une telle cohabitation ne peut s’entendre, à notre sens, qu’entre deux Etats démocratiques et pacifistes, renonçant à la violence pour construire une paix durable.
Le rôle essentiel de la France dans le processus de reconnaissance
La France, dont la singularité est reconnue dans le concert des nations, doit montrer l’exemple à ceux qui n’osent pas encore. Ils ne sont en définitive plus si nombreux, 138 des 193 pays représentés à l’ONU reconnaissant l’existence d’un Etat palestinien depuis 1988 (163 pays reconnaissent l’existence d’Israël). De nombreux pays européens, l’Espagne et l’Irlande en tête, ont avancé dans ce sens à l’aune des événements récents.
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Chez nous, le Sénat et l’Assemblée nationale ont voté en décembre 2014 des résolutions en faveur de la reconnaissance par la France d’un Etat de Palestine. Le président de la République, qui s’est déjà beaucoup investi pour la résolution du conflit et sait combien, à travers lui, la voix de la France porte au Moyen-Orient et dans le monde, peut, en entérinant cette décision, être l’acteur décisif de l’apaisement.
Reconnaître l’Etat de Palestine et donner des gages de sécurité à Israël d’abord, négocier ensuite. Une voie étroite et un chemin difficile certes, mais qui, au-delà d’un symbole fort, permettrait enfin la paix des cœurs et la fin de souffrances qui durent depuis trop longtemps. On ne résoudra jamais ce conflit par les armes, et les négociations entre les protagonistes restent lettre morte. Lorsque deux camps ne parviennent pas à s’entendre, des tiers doivent intervenir. La France, en osant être la première grande puissance occidentale à reconnaître l’Etat de Palestine, se grandira et marquera l’histoire.
Les premiers signataires :
Hanna Assouline, réalisatrice, fondatrice du mouvement des Guerrières de la paix ; Sadek Beloucif, chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne ; Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen ; Nadia Farès, actrice ; Eva Illouz,sociologue ; Abdellatif Laâbi, poète, Prix Goncourt de la poésie ; Wajdi Mouawad, metteur en scène, auteur, acteur ; Achinoam Nini (Noa), chanteuse ; Benjamin Stora, écrivain, ancien directeur du Musée de l’immigration.