Six ouvrages de l’éminent historien Benjamin Stora viennent d’être réédités dans un volumineux opus de plus de mille pages chez Robert Laffont dans la collection “Bouquins” sous le titre Une mémoire algérienne. Regroupant les titres Les Clés retrouvées, Dernière génération d’Octobre, Les Guerres sans fin, Le Mystère de Gaulle, François Mitterrand et la guerre d’Algérie et Les Trois exils, les trois chapitres évoquent des thèmes liés à la fois à son vécu, à “la mémoire et l’histoire” de l’Algérie et à son parcours d’historien qui puise sans cesse dans ce pan de son existence.
Parmi les six livres, trois retracent cette partie qu’il a vécue en Algérie ; Les clés retrouvées, où il évoque son enfance juive à Constantine et le souvenir d’un monde qu’il a vu s’effondrer ; dans La dernière génération d’Octobre, Stora revient sur son “militantisme marqué très à gauche avec son cortège de désillusions”. Les Guerres sans fin témoignent, à leur tour, “d’un engagement mémoriel qui se fonde sur une blessure collective et personnelle que seules la recherche et la connaissance historiques peuvent aider à panser”.
Puis, pour mieux comprendre ce conflit, il se consacre à l’étude des rôles qu’ont joué d’importantes personnalités politiques dans cette guerre : De Gaulle et Mitterrand. Du premier, il décrypte notamment dans Le Mystère de Gaulle : son choix pour l’Algérie, “l’attitude lors de sa prise du pouvoir en 1958 et sa décision d’ouvrir des négociations avec les indépendantistes en vue d’une solution de compromis associant de manière originale la France et l’Algérie”. Accompagnée d’une considérable série de témoignages, le livre analyse la complexité de l’homme, et tente de “cerner les motivations de sa mystérieuse décision”, prononcée dans son discours de 1959 après son retour au pouvoir, où il lâche le mot “autodétermination”.
Dans François Mitterrand et la guerre d’Algérie écrit avec François Malye, l’historien relève surtout son caractère “contradictoire” vis-à-vis de la peine de mort. Si ultérieurement dans son parcours politique il y sera farouchement opposé, lors de son passage comme garde des Sceaux, ministre de la Justice entre 1956 et 1957, il la fera pourtant appliquer au détriment des combattants indépendantistes algériens.
Enfin, la dernière partie est consacrée aux Trois exils : Juifs d’Algérie. En moins d’un siècle, les juifs algériens auront connu par trois fois l’aliénation ; celle assimilationniste du décret Crémieux, la loi de Vichy à cause de laquelle ils seront rejetés entre 1940 et 1943 et, enfin, le départ de l’Algérie en 1962. Cet ouvrage — et les passages sur le propre parcours de l’historien — “permet de mieux comprendre la genèse, le déroulement et l’issue d’une tragédie où se mêlent un conflit colonial livré par la France, un affrontement nationaliste mené par les indépendantistes algériens et une guerre civile entre deux communautés résidant sur un même territoire”.
Né en 1950 à Constantine, en Algérie, Benjamin Stora est un historien et professeur d’universités en France et à l’étranger (New York, Rabat, Hanoï et Berlin). Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’histoire de la guerre d’Algérie, de la décolonisation et des juifs au Maghreb.
Yasmine Azzouz
Benjamin Stora : Une Mémoire algérienne. Prix : 32 euros.
1 088 pages.