Madame Agnès Laurent, journaliste à l’Express, m’avait annoncé par un mail en date du 11 janvier 2023 qu’elle voulait me rencontrer pour un « portrait » dans l’Express. Elle écrivait : « J’aimerais travailler à un portrait de vous. Dans ce cadre, il me paraît indispensable de vous rencontrer. Etes-vous partant ? »
Elle précisait ensuite, par téléphone, qu’il s’agissait, dans ce portrait, de me défendre contre des textes antisémites publiés récemment sur un site en Algérie. Argument qu’elle a utilisée auprès d’autres personnes rencontrées. Je l’ai rencontré pendant une heure environ le 18 janvier 2023.
J’ai abordé avec elle mon travail d’enseignant dans plusieurs universités en France et à l’étranger ; mes thèmes de recherche portant sur l’histoire et la mémoire de la guerre d’Algérie ; le statut de l’historien par rapport aux images (en discutant de la réalisation de mes documentaires) ; de l’exposition « Juifs d’Orient » qui s’est tenu à l’IMA, et des attaques antisémites dont j’ai été l’objet.
Ma surprise a été grande au moment de la découverte de l’article sur le site de l’Express le 29 janvier 2023. Il s’agissait en fait d’une « enquête, sur Macron et l’Algérie » (comme l’indique clairement le titre de l’article sur le site web de l’Express), et non pas d’un portrait d’une trajectoire intellectuelle et politique (publications d’ouvrages, enseignements dans les universités, engagements citoyens).
Cette « enquête » était rédigée avec un angle centré sur ma supposé personnalité définie ainsi: « mégalomanie », « fausse modestie », « narcissisme ». Il était fait mention de mon écriture « d’égo-histoire », sans jamais citer aucun de mes ouvrages de facture universitaire (de 1978 à 2022).
Toutes les citations qui me sont attribuées étaient fausses. J’avais demandé à Madame A. Laurent de les relire, ce qu’elle n’a pas fait. De plus, de nombreux faits rapportés sont inexacts. En voici quelques exemples, parmi d’autres :
Citation d’une personne, dont le nom n’est pas mentionné, qui rapporte une phrase que j’aurais lancée au Musée de l’immigration à Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, phrase que je n'ai jamais prononcée.
Description, sans citation de sources, d’un « entrisme » dans l’organisation politique « Renaissance ». Ce qui est une pure invention.
Récit d’un voyage à Alger le 5 juillet 2022, en Algérie, encore une fois sans citation de sources, où j’aurais été « abandonné » par les autorités françaises et algériennes ... Ce qui n’est pas la vérité.
Après la publication de cet article, j’ai réussi à retrouver plusieurs personnes interrogées par Agnès Laurent, rencontrées avant mon entretien. La journaliste aurait donc pu me demander confirmation, ou infirmation, des propos tenus par des personnes interrogées sur mon parcours au moment de notre entretien. Ce qu’elle n’a pas fait dans notre conversation.
Enfin, c’est Emmanuel Macron qui m'a demandé le rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, et je n'ai rien « exigé » du Président de la République, comme l’article le prétend, pour « écarter » d’autres historiens.
Comment comprendre la finalité d’un tel article ? Dans ce « portrait »-enquête, je suis défini comme un homme « politique » qui cherche sans cesse la renommée, et non comme un chercheur, un historien qui travaille depuis plus de quarante ans, animé par des convictions citoyennes. J’avoue ne pas comprendre. Le directeur de la rédaction de l’Express n’a pas donné suite à ma demande de mise au point.
Benjamin Stora.