Les propos tenus par Benjamin Stora sur France 5, le 24 novembre dernier, lors d'un débat consacré à l’arrestation à Alger de Boualem Sansal, ont suscité un tollé en France, beaucoup à droite lui reprochant de s’être désolidarisé au pire moment de l’écrivain franco-algérien. S’en est suivie une campagne de presse mettant en cause son honnêteté intellectuelle et sa probité morale.
Cette campagne rappelle par sa virulence celle dont l'universitaire natif de Constantine avait été l’objet, il y a quatre ans, après qu'Emmanuel Macron, soucieux d’engager un rapprochement avec l’Algérie à la faveur de l’élection, fin 2019, d’Abdelmadjid Tebboune, lui eût confié la mission mémorielle que l’on sait. Les coups étaient alors venus de toute part, les nostalgiques de l’Algérie française mêlant leur voix à celle, côté algérien, des rentiers de la mémoire pour jeter le discrédit sur un homme dont l’oeuvre et les engagements politiques passés dérangeaient des deux côtés de la Méditerranée
Pour connaitre de longue date Benjamin Stora et avoir été le témoin, à Alger, jusqu’à l’été 2023, des aléas de sa mission, j’estime profondément injuste le procès qui lui est fait. La sympathie que reflètent ses travaux sur l’Algérie pour le mouvement national algérien ne l’a jamais aveuglé. En témoigne l’évocation sans équivoque, dans le rapport portant son nom, du massacre de milliers de Harkis après l’Indépendance, tout comme celle de la disparition de centaines d’Européens à Oran, le 5 juillet 1962. En signant, à l’instar de l’auteur de ces lignes, la pétition lancée par la Revue Politique et Parlementaire pour la libération de Sansal, il a, de surcroît, opposé un clair démenti aux insinuations sur son instrumentalisation par les autorités algériennes.
Benjamin Stora n’est pas moins fondé à s’exprimer sur l’Algérie que Boualem Sansal. L’historien est dans son rôle, l’écrivain, dans le sien. Je m’honore, pour ma part, de l’amitié précieuse de l’un comme de l’autre.
François Gouyette, ancien ambassadeur de France à Alger (2020-2023).