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Premières pages

Le 3 juillet 1962, l'Algérie est indépendante. Les premières forces militaires françaises s'apprêtent à quitter le territoire. Le pays doit sortir de l'état colonial, du sous-développement, bâtir un État, devenir une nation à part entière.
Comment cette grande partie du Maghreb central aux paysages contrastés est-elle devenue une contrée politique, puis une patrie ; ou plutôt, comment l'Algérie qui n'était pas une nécessité géographique l' est-elle devenue ? L'« invention » d'une Algérie dans ses frontières et ses langues actuelles, la fluidité des espaces de peuplement, la vigueur des échanges culturels qui unissent en esprit, le mélange de sociabilités politiques pour l'indépendance, le rôle unificateur de l'islam sont étudiés dans deux ouvrages de la collection « Repères » qui ont précédé celui-ci. L'Histoire de l'Algérie coloniale 1830-1954, et L'Histoire de la guerre d'Algérie (1954-1962) disent comment l'Algérie est née d'une volonté politique apparue au début du XXe siècle, et poursuivie par une longue guerre d'indépendance contre la puissance coloniale française.
 

Cette histoire de l'Algérie contemporaine, de son indépendance en 1962, à l’effondrement du parti unique, le FLN en octobre 1988, est présentée à la fois dans son originalité propre, et dans une perspective maghrébine et méditerranéenne. Le cadre de la chronologie classique est respecté, en étudiant successivement les temps où Ahmed Ben Bella (1962-1965), Houari Boumediene (1965-1978), Chadli Bendjedid (1979-1991), ont dirigé le pays.

La démarche qui inspire ce livre n'est pas la recherche de « révélations » sur ces années 1962-1988. Il s'agit plus simplement de voir comment l'histoire s'est faite, dans quel but et à quel prix. Des joies de l'indépendance en 1962 à l'ordre instauré par les militaires en 1965 ; des volontés d'égalité sociale à l'échec des « industries industrialisantes » sous Boumediene ; de l'encadrement autoritaire de la société par le parti unique FLN (Front de libération nationale) aux violentes émeutes d'octobre 1988  : les exemples ne manquent pas qui invitent à décrypter le fonctionnement historique de l'« identité algérienne », qui emprunte tout à la fois aux modèles républicain, islamique et nationaliste.
 
De 1962 à 1988, l'organisation de l'Algérie a été profondément modifiée. Le bouleversement des paysages ruraux, l'avènement de machines urbaines qui aspirent des hommes longtemps liés aux terroirs de la tradition, l'explosion démographique et les flux humains, les productions économiques souterraines (« le trabendo-la contrebande »), les formes de l'art populaire (la musique raï), la recomposition et le relâchement des liens familiaux..., la diversité historique de l'espace géographique national s'est enrichie sans cesse de différences nouvelles, de manières de réagir à des transformations touchant l'ensemble de la société algérienne.
 
En 1962, l'Algérie comptait à peine 10 millions d'habitants. Elle en avait, à la fin de l’année 1988, près de 25 millions, une majorité de la population étant née après l'indépendance. En octobre 1988, moment charnière qui fait basculer l’Algérie dans le multipartisme, la plupart des jeunes Algériens n'ont pas connu l'époque coloniale, la guerre contre la France, et n'entretiennent que de lointains rapports avec l'histoire réelle de leur pays. Pourtant, le régime politique algérien a eu recours en permanence à l'histoire, et a conservé fortement l'empreinte des conditions historiques qui l'ont vu naître : primauté du facteur militaire, absence de légitimité démocratique, exercice violent de l'autorité. Un pouvoir exécutif, concentré dans les mains du président de la République étroitement dépendant du soutien de l'armée et bénéficiant de l'apport du parti unique, impulse la construction d'un État autoritaire.
 
De 1962 à 1988, le pouvoir recherche une légitimation en se revendiquant de l'héritage du combat pour l'indépendance, et puise dans d'autres registres parmi lesquels le développement économique à option socialiste, le « non-alignement » sur les blocs en politique étrangère ou le contrôle étatique des valeurs de l'islam. L'unanimisme nationaliste reste le support d'une idéologie fluctuante. Il devient une sorte de remède aux vertiges de définitions identitaires, tente de gommer les différences linguistiques et régionales, se fait « réconciliation », négation des affrontements sociaux, apparent correctif des maux de la modernité. Ce réformisme consensuel est accepté par la société tant qu'une politique sociale « redistributive » est rendue possible par la manne pétrolière, générant d'énormes revenus. L'entrée en scène de jeunes générations peu sensibles aux seules légitimations de la guerre d'indépendance et l'affaiblissement en valeur de la rente pétrolière sapent les bases du système établi. Le système du parti unique entre alors en crise profonde à partir des émeutes d’octobre 1988. Une nouvelle période s’ouvre alors en Algérie.

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Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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