Avertissement
"La France en guerre d'Algérie" n'est pas un de ces grands sujets d'histoire contemporaine qu'on peut exposer avec la sérénité de l'âge et la tranquillité du savoir établi. Trois décennies après la signature des accords d'Évian, qui oserait soutenir que la douleur n'est pas vivace, que le débat ternit, que le silence s'ébruite, que les mémoires ont baissé les armes ? Et même si l'on parie, d'une génération l'autre, sur l'effet apaisant du temps qui passe, trop d'enjeux nouveaux, sur les deux rives de la Méditerranée, ont aujourd'hui quelque rapport avec cette guerre mal enterrée pour que le travail du deuil puisse suivre sans sursauts son cours inévitable.
"La France en guerre d'Algérie" n'est pas un de ces grands sujets d'histoire contemporaine qu'on peut exposer avec la sérénité de l'âge et la tranquillité du savoir établi. Trois décennies après la signature des accords d'Évian, qui oserait soutenir que la douleur n'est pas vivace, que le débat ternit, que le silence s'ébruite, que les mémoires ont baissé les armes ? Et même si l'on parie, d'une génération l'autre, sur l'effet apaisant du temps qui passe, trop d'enjeux nouveaux, sur les deux rives de la Méditerranée, ont aujourd'hui quelque rapport avec cette guerre mal enterrée pour que le travail du deuil puisse suivre sans sursauts son cours inévitable.
Ce constat pourrait décourager. A quoi bon exposer des oeuvres de création dans leur nudité probante et des documents fiables, agencer quelques éléments d'un savoir moins aléatoire et moins partisan, analyser, argumenter tandis qu'est toujours béante la blessure de l'invective, que les acteurs et les témoins attisent encore les braises ? Nous n'avons pas voulu suivre la pente de cette fatalité. Ce livre, nous l'espérons, sera lu comme une oeuvre collective d'histoire et d'historiens. il n'oublie rien, mais il n'accuse ni n'encense personne. il se contente de proposer quelques éléments, qui nous ont paru sûrs, textes et images mêlés, à la réflexion de bonne volonté sur cette guerre inouïe.
Il s'ouvre sur une partie historique, "Le cours d'une guerre", qui reprend des questions majeures posées par ces huit années tragiques, scandées par les surgissements, alors si forts, de "L'événement". Puis il expose - pour la première fois, et ce fut pour nous une découverte réconfortante que de voir ce temps-là ne pas bafouer autant qu'on l'avait cru les droits de la représentation et de la création - comment la guerre d'Algérie fut vécue et transcrite sur des supports, films, télévision ou disques. Enfin la mémoire, observée dans une ébauche de réflexion encore très parcellaire mais sans passion, reprend ses droits historiques avec la retranscription et l'étude de paroles des acteurs.
Même si le versant algérien du confiit apparaît dans certains textes et documents, l'ensemble est délibérément axé sur la France en guerre d'Algérie : un pays qui tourne et retourne une page importante de son histoire nationale, avec ses combattants et ses "arrières", ses efforts et ses désarrois, ses politiques et leurs effets imprévus, son "air du temps" et ses bleus à l'âme. Ii n'a donc aucunement la prétention de considérer l'ensemble du drame. Mais il souhaite aider chaque lecteur à mieux en dégager, trente ans plus tard, quelques vérités crues.
Laurent Gervereau
Jean-Pierre Rioux
Benjamin Stora