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L'histoire

Le Front populaire se constitue officiellement en juin 1935. Il se disloque en octobre 1938. C’est une brève période, mais qui va affecter durablement l’histoire politique, économique et sociale de la France à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Curieusement, au milieu d’une Europe où les périls montent de mois en mois, les problèmes extérieurs (mise à part la question de l’Espagne à partir de l’été 36), ne vont jouer qu’un rôle secondaire. Ce qui frappe rétrospectivement, c’est l’extrême ignorance de l’opinion française à l’égard des pro­blèmes internationaux, la sous-information vis-à-vis des réalités coloniales[2]. Mais au moment même où l’histoire est en train de s’accom­plir, de petites organisations de la gauche du mouve­ment ouvrier français émettent les plus vives opposi­tions, prévoient que le blocage de la situation au Maghreb va conduire à des « explosions[3] ».

Ces militants font paraître des journaux, mènent de vigoureuses campagnes politiques, sont présents dans les batailles revendicatives, interviennent en direction des travail­leurs immigrés, nouent des contacts avec les organisa­tions nationalistes maghrébines. À contre-courant des grands partis traditionnels, leur existence reste incer­taine, semble insignifiante. Moins qu’il n’y paraît à première vue cependant. Si de 1930 à 1935, les organisa­tions de la gauche socialiste et révolutionnaire restent au diapason du reflux des mouvements de masse – reflux consécutifs à l’arrivée d’Hitler en Allemagne –, en 1935 puis surtout en 1936-1937, ils trouvent un moment prise sur le cours de la vie politique[4].

Pour savoir quelles étaient ces organisations, comprendre et connaître leurs activités, nous avons évité délibérément de les caractériser comme « gauchistes ». Étiquette bien commode, aujourd’hui à la mode, permettant d’opérer un amalgame de diverses positions pourtant fort divergentes. Que de différences par exemple entre le socialiste de gauche de la S.F.I.O., et le militant anarchiste diffusant son journal Le Liber­taire ! Et pourtant tous deux en 1936 réclament l’indépen­dance pour les colonies et s’opposent sous des formes différenciées au gouvernement de Front populaire.

 

Les positions de la gauche officielle

L’exposition coloniale de 1931 avait accueilli trente-trois millions de visiteurs. Succès énorme ! D’ailleurs, le problème colonial ne constitue pas une ligne de clivage fondamental entre la droite et la gauche traditionnelle. Les radicaux sont très attachés à l’Empire et ont les mêmes positions que la droite. Les socialistes demeu­rent les partisans convaincus du principe de l’assimilation : « Il ne peut y avoir qu’une formule pour signifier et désigner la politique coloniale socialiste, c’est celle de l’assimilation[5] ! », s’exclame Joseph Lagrosillière, au nom de la Fédération de la Martinique, au Congrès de la S.F.I.O. à Clermont-Ferrand en 1926.

L’attitude de Léon Blum face au problème colonial illustre assez bien les hésitations des socialistes français qui, en majorité, continuent sur la question à se réclamer de Jean Jaurès[6] –sans toutefois partager sa conception de la nation. Blum condamne l’expansion coloniale guerrière, mais aussi l’insurrection des peuples colonisés. Le pacifisme continue à dominer chez lui comme chez la plupart des socialistes français de l’entre-deux-guerres[7]. Néanmoins, à la veille de prendre le pouvoir le 30 mai 36, la S.F.I.O. adresse lors du Congrès de Huyghens un message solennel aux peuples colonisés, où elle s’engage à mettre en vigueur les libertés démocratiques et une législation sociale :

Le Congrès du Parti socialiste (S.F.I.O.) vous adresse l’expression de son active solidarité. Il connaît votre misère, il a la volonté d’y mettre un terme. Avec le Front populaire au pouvoir, une ère nouvelle commence pour la France laborieuse aussi bien que pour les peuples qu’elle associe à sa destinée[8] [...].

Mais dans ce même Congrès, le délégué de Constantine, Tahrat[9], prend la parole :

Actuellement, les musulmans d’Algérie n’aspirent pas du tout à la libération dont on a tant parlé dans certains milieux. Ce qu’ils recherchent, avant tout, c’est l’égalité entre Français et musulmans. Il n’y a donc pas de nationalisme en Algérie, comme une certaine presse tente de le faire croire[10].

De plus, les socialistes ne remettent alors pas en cause l’assimilation. Ils se font au contraire les champions du projet Blum-Viollette en Algérie, prévoyant l’assimilation pour 21.000 musulmans « évolués[11] ».

Quant au Parti communiste français, il tente de sortir de sa période d’isolement consécutive à l’application de la stratégie dite « classe contre classe ». Inexistant au Maroc[12], exsangue en Tunisie[13], le P.C.F. est minoritaire aussi en Algérie[14].

À partir de 1935 s’opère la remontée de son audience. Après le pacte Laval-Staline (2 mai 35) qui va signifier l’abandon de toute bataille contre la « défense nationale », après le VIIe Congrès du Komintern (juillet-août 35) où se trouve mise en avant la politique des Fronts populaires, le P.C.F. ne conciliera que pendant une très brève période l’antifascisme et l’anticolonialisme, sous l’impulsion de son responsable colonial, André Ferrat[15]. Un virage spectaculaire aboutit à l’abandon du mot d’ordre d’indépendance des colonies[16]. Le processus s’effectue en plusieurs étapes concernant l’Algérie. Au moment de la campagne électorale qui mène à la victoire du Front populaire, le mot d’ordre « d’indépendance nationale » est mis de côté[17], puis Maurice Thorez proclame le 25 décembre 37, cette fois explicitement, que l’indépendance n’est plus à l’ordre du jour : « Le droit au divorce ne signifie pas l’obligation de divorcer[18]. » L’opération s’achève le 11 février 39 par l’analyse présentant l’Algérie comme « une Nation en formation dans le creuset de vingt races[19] ».

 

Si les idées de « self government » avaient déjà reçu l’approbation de certains dirigeants socialistes, comme Léon Blum de 1927 à 1931[20], on n’en retrouve aucune trace à l’époque du Front populaire. La colonisation est acceptée comme « un fait [...] dont la brusque disparition à l’heure actuelle engendrerait plus d’inconvénients et de dangers que d’avantages[21] ». Dans un discours probablement prononcé devant ses collègues du gouvernement, Marius Moutet[22], ministre des Colonies, veut leur épargner

de grandes discussions doctrinaires [...]. C’est un fait que nous avons pris en charge certains pays que nous appelons des colonies [...]. Il s’agit de les incorporer dans l’ensemble de notre vie nationale[23].

Pour le P.C.F. également, « barrer la route au fascisme » passe avant la « lutte violente contre la démocratie française, sous le prétexte de l’indépendance[24] ».

 

Les héritiers de la tradition anticoloniale

Face aux défenseurs de la présence française au Maghreb, de petits courants du mouvement ouvrier français se dressent. Qui sont-ils ?

On retrouve les continuateurs de la tradition anticoloniale[25] dans un « Comité contre la guerre et l’union sacrée » dont la première réunion se tient à Saint-Denis les 10 et 11 août 35[26]. Ils entendent poursuivre leur bataille contre le « militarisme et le service militaire à deux ans », contre la « guerre impérialiste », dont l’agression italienne contre l’Éthiopie fournit à leurs yeux un exemple. Aux côtés d’un certain nombre d’écrivains, tels Jean Giono, Magdeleine Paz[27], Henry Poulaille, Simone Weil, se regroupent donc les socialistes de gauche de Marceau Pivert[28], les trotskystes, les syndicalistes-révolutionnaires de La Révolution Prolétarienne[29], les libertaires de l’Union Anarchiste et des militants de la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire (C.G.T.S.R.), petite organisation anarcho-syndicaliste. Ce sont eux principalement que nous allons suivre.

 

Au sortir de la Première Guerre mondiale, le mouvement anarchiste spécifique se reconstitue péniblement. Il connaît un regain d’activité grâce à ses militants syndicalistes occupant des responsabilités importantes. Mis en minorité au Congrès de Lille de la C.G.T. en 1921, les anarchistes commettront l’erreur de quitter la C.G.T.U.[30] nouvellement créée, pour fonder une nouvelle organisation syndicale, la C.G.T.S.R. qui ira en périclitant avant de disparaître en 1939. Le premier numéro de son organe, Le Combat Syndicaliste, paraît en décembre 26, avec une périodicité irrégulière, jusqu’en avril 33 (n° 62). La nouvelle série qui va jusqu’au numéro 200 (19 mars 37) est en revanche d’une remarquable régularité[31]. La chronique « Tribune algérienne », dans les années 30-32, fait état de campagnes menées par ses sections syndicales, en particulier dans le bâtiment. Samuel Jospin, dans un mémoire consacré à la C.G.T.S.R., indique que ses effectifs varient entre 1.000 et 6.000 militants[32].

Les anarchistes sont alors éparpillés dans une poussière de groupes, chacun se spécialisant sur un thème « humanitaire[33] ». Cette dispersion affaiblit le noyau central constitué par l’Union Anarchiste, seule organisation qui traverse toute la période et dont le journal est Le Libertaire. Celui-ci possède la plus grande audience de toute la presse anarchiste en 1929 : hebdomadaire, il tire à environ 7 ou 8.000 exemplaires et revendique un millier d’abonnés. En 1936, il tire à 17.000 exemplaires[34]. Mohamed Saïl[35] et Kiouane, premiers anarchistes algériens connus, écrivent dans Le Libertaire et Le Combat Syndicaliste.

Chronologiquement, la Fédération anarchiste de la région parisienne fut sans doute la première organisation politique française à s’intéresser aux travailleurs nord-africains et à mettre sur pied un Comité d’action pour la défense des indigènes, et ce dès 1923. Elle condamna énergiquement le Centenaire de la Conquête de l’Algérie en 1930 et affirma des positions nettement hostiles au colonialisme. Le groupe libertaire de Marseille mena une campagne sur « le sort de la colonie algérienne de l’Afrique du Nord », mais se heurta à l’indifférence à peu près généralisée[36]. On les retrouve au début de l’année 35, menant campagne « contre la religion » et « la politique » avec un tract distribué en arabe à Paris :

Aux travailleurs algériens ! Bravo ! Tu commences à te réveiller, tu entres dans la lutte sociale après avoir compris que tu es trop opprimé. Mais, hélas ! Croyant te libérer de la peste française qui te ronge, tu veux te rejeter vers le choléra islamique, qui te détruira pareillement, ou vers la politique, qui te dévorera [...] Anarchistes, nous te disons : À bas tous les gouvernements et tous les exploiteurs, qu’ils soient roumis ou musulmans, car tous veulent vivre sur le dos des travailleurs [...]

Pour le groupe des Anarchistes indigènes algériens : Saïl Mohamed[37].

Obsédés par l’idée de la propagande, où la verve polémique l’emporte le plus souvent sur la rigueur de l’analyse, les anarchistes ont-ils réussi à faire connaître largement leurs positions grâce à leurs journaux et à leurs brochures ? On ne saurait le dire précisément. Pendant le Front populaire, il y a en tout cas grossissement des effectifs du mouvement anarchiste. Ainsi apparaît dans Le Combat Syndicaliste l’activité d’une section des Métaux à Oran en 37. L’existence de petits groupes anarchistes est signalée à Alger en 35, à Oran en 36, à Sidi-Bel-Abbès en 38[38]. Au Congrès de Paris de l’Union anarchiste en 37, où 120 délégués expriment 74 groupes, deux délégués représentent Alger. C’est une première par rapport aux quatre précédents Congrès. Leur existence au Maghreb peut donc paraître dérisoire ; elle est néanmoins établie par l’écho des campagnes que l’on trouve dans leurs journaux. Ainsi exigent-ils dans ceux-ci en 36, la libération de quarante militants anarchistes d’origine espagnole arrêtés à Oran et Casablanca[39].

 

Les polémiques sont parfois violentes avec les syndicalistes révolutionnaires regroupés autour de La Révolution prolétarienne. Les anarchistes les accusent de « liquider l’influence anarcho-syndicaliste dans les milieux ouvriers » et de « livrer pieds et poings liés la classe ouvrière à Moscou avant d’en être éjectés[40] ». Il est sûr pourtant que la diffusion de l’anticolonialisme anarchiste a été assurée par l’intermédiaire du mouvement syndical. Le syndicalisme révolutionnaire, idéologie dominante du syndicalisme français au moment de la Charte d’Amiens (1906), était en effet impulsé par les anarchistes. Il n’est donc pas étonnant de retrouver les plus vives campagnes de presse anticolonialistes dans La Révolution Prolétarienne, revue fondée en 1925 par Pierre Monatte[41] et qui se veut la continuatrice de la tradition syndicaliste révolutionnaire. De 1930 à 1935, la revue consacre près de cent articles aux colonies à travers différentes rubriques : études théoriques, polémiques, notes économiques, notes de lectures, lettres de lecteurs. Nous avons recensé pour cette période vingt-sept articles consacrés à la Tunisie ; vingt à l’Algérie ; seize au Maroc ; quatorze à l’Indochine ; sept au conflit italo-éthiopien et quinze au colonialisme en général. À lui seul, Robert Louzon en signe vingt[42]. Celui-ci a une longue expérience des problèmes coloniaux et plus spécialement du Maghreb. Né en 1882, ingénieur à la Compagnie du gaz, il collabore à l’organe de la C.G.T., La Vie Ouvrière. Travaillant à Tunis à partir de 1913, il y devient secrétaire fédéral du Parti socialiste, puis du Parti communiste après sa fondation. Expulsé de Tunisie, il est rédacteur à L’Humanité. Il démissionne du P.C.F. en 1924. En 1925, Louzon et Jean-Paul Finidori, tous deux ex-membres du Comité directeur de la Fédération communiste de Tunisie rejoignent le noyau de militants qui, « refusant la déviation stalinienne », vient de fonder La Révolution Prolétarienne autour de Monatte. Les départs de Louzon et Finidori mettent le Parti communiste en difficulté en Tunisie[43]. Un troisième militant, anticolonialiste chevronné, vient de se joindre à eux : J. Pera – de son véritable nom Louis Bercher, né en 1899 à Constantine, médecin, et responsable des communistes d'Alger[44] – entend l’appel que Finidori avait adressé « à ses camarades algériens » au moment de son passage à La Révolution Prolétarienne[45].

Sous l’impulsion de ces trois hommes principalement, on trouve dans La Révolution Prolétarienne au moment du Front populaire une foule de précisions sur le déroulement des mouvements sociaux et politiques au Maghreb : meetings syndicaux à Alger à la veille des élections[46], grève des balayeurs à Casablanca[47], grèves dans l’industrie en Algérie[48], assassinat du muphti d’Alger[49]. Ce sont là quelques faits que nous avons choisi parmi d’autres, quelquefois rapportés par des correspondants locaux comme cette « Lettre de Tunis sur les revendications ouvrières[50] ». Et pourtant le nombre d’abonnés à la revue est extrêmement réduit au Maghreb. En 1933, on compte vingt-et-un abonnés en Algérie, deux en Tunisie et zéro au Maroc[51]. Il ne semble pas que ce chiffre ait évolué de manière sensible au moment du Front populaire.

 

Aux côtés du traditionnel courant anarchiste ou syndicaliste révolutionnaire émerge dans les années 1925-1930 l’opposition de gauche trotskyste, formée contre le processus bureaucratique stalinien en U.R.S.S. Elle se constitue définitivement autour de l’hebdomadaire La Vérité et de la Ligue Communiste, avec Pierre Naville[52], Gérard Rosenthal[53] et Pierre Franck[54]. Les trotskystes décident l’entrée dans la S.F.I.O. en août 34 après de vives discussions arbitrées par Léon Trotsky, qui rédige son long article « Où va la France[55] ? ».

Alors qu’au Vietnam les trotskystes organisent la constitution d’un front unitaire (La Lutte), s’activent dans les syndicats et les comités de grève, font paraître leur propre journal Le Militant, bref disposent d’une audience considérable, leur situation n’est pas du tout la même au Maghreb. L’explication essentielle, selon nous, réside dans le fait que certains animateurs du P.A.I. (Parti Annamite de l’Indépendance), création de l’Union Intercoloniale (U.I.[56]), ont évolué vers le trotskysme dans l’immigration en France[57]. Des nationalistes vietnamiens radicaux, tel Ta-Thu-Thau[58], ont rompu avec le P.C.F. en 1928 après la mise en application de l’orientation coloniale définie au VIe Congrès (1928) du Komintern conduisant à cesser tout soutien aux mouvements nationalistes.

Un développement de même nature se produit avec l’Étoile Nord-Africaine (É.N.A.), elle aussi création de l’U.I. Messali Hadj[59], alors secrétaire général de l’É.N.A., décrivant sa rupture avec le P.C.F. en 1928, note dans ses Mémoires : « Mes amis et moi avons peu à peu compris que le P.C.F. voulait laisser s’affaiblir notre association, gagner nos militants et éloigner les récalcitrants par toutes sortes de moyens[60] ». Mais pendant que certains dirigeants de L’Étoile comme Messali se repliaient sur la voie du nationalisme, l’écho de la révolution chinoise et son bilan critique établi par Trotsky poussaient les cadres vietnamiens du P.A.I. vers l’opposition de gauche[61].

Après que Naville ait prononcé un discours en forme de réquisitoire au Congrès de Mulhouse de la S.F.I.O. contre « l’agression fasciste italienne en Éthiopie », et dénoncé les accords signés entre Pierre Laval et Mussolini à Rome le 7 janvier 35[62], les trotskystes commencent à étendre leurs liens avec les socialistes de gauche au Maroc. Une première liaison est signalée en 35 à Port-Lyautey[63], et ils influencent Gaston Delmas, secrétaire fédéral de la S.F.I.O. au Maroc. Au moment du premier congrès du Parti Ouvrier Internationaliste (P.O.I.), principale organisation trotskyste française, les 10 et 11 octobre 36, une section du Maroc apparaît avec soixante-cinq mandats. Y a-t-il alors 325 adhérents puisque chaque mandat représente cinq adhérents ? Raymond Molinier[64], qui se fait exclure du P.O.I. à ce moment-là, conteste ces chiffres : « Maroc : 65 mandats. Chiffre absolument impossible à vérifier. Préparation du Congrès absolu­ment unilatérale[65] ». Dans son rapport colonial pour le congrès du P.O.I. qui se tient le 30 octobre 37, David Rousset[66], alors responsable du travail pour les colonies fait le point sur l’implantation au Maghreb :

Notre organisation n’existe qu’au Maroc. En Tunisie et en Algérie nous n’avons encore aucun noyau d’organisation. Notre organisation marocaine se développe depuis un an environ. Jusqu’en avril 1936, nous n’avions pratiquement rien.

Quelques liaisons individuelles sur le plan de la politique française. D’avril 1936 à août 1936, nous assistons sur le plan politique et organisationnel à la formation de notre groupe [...] De janvier 1937 à avril 1937, l’organisation s’oriente pratiquement vers le travail dans la masse ouvrière marocaine déjà annoncé en juillet 1936 (grève des autobus). Cette période se marque par une participation active à la grève du bâtiment et de la carrosserie puis à la grève des transporteurs et de la minoterie. Les ouvriers indigènes se groupent sur le plan syndical et quelques sections se créent. Durant cette période, notre organisation contrôle environ 500 indigènes[67].

 

Après l’exclusion des trotskystes (en particulier de l’Entente de la Seine[68]) à la Conférence nationale des Jeunesses socialistes à Lille les 28 et 29 juillet 35, les socialistes de gauche de Marceau Pivert se constituent en une tendance dite « la Gauche révolutionnaire ». Ils ont derrière eux une tradition de lutte anticolonialiste, en particulier Daniel Guérin[69] qui va siéger à la commission coloniale de la S.F.I.O. Dès 1931 ce dernier rencontre les Jeunes Marocains, Mohamed El Ouazzani, Ahmed Bala-fredj, Omar Ben Abdeljalil, El Kholti[70] et les aide à rédiger une brochure Tempête sur le Maroc, véritable acte de naissance du mouvement national au Maroc[71]. Marceau Pivert participe le 15 mai 34, à la Salle des Sociétés Savantes, à un meeting organisé par l’É.N.A. Le 25 mai 35, la Fédération socialiste du Maroc commence à modifier son attitude à l’égard des Jeunes Marocains caractérisés désormais comme des « amis ».

L’influence de la « Gauche révolutionnaire », partisan du droit à l’indépendance, va s’étendre dans de nombreuses fédérations socialistes des colonies. C’est le cas des socialistes du Sud de l’Indochine, en majorité plutôt critiques à l’égard de la gestion de Moutet, et qui, à leur assemblée d’août 37, choisiront Guérin pour les représenter au Congrès de Royan. Contre les attaques dont elle est l’objet de la part de la majorité de la S.F.I.O. à la veille de ce Congrès, la « Gauche révolutionnaire » reçoit des messages de solidarité des sections de Casablanca, Constantine, Fez, Sedrata (Région de Constantine[72]). Il n’est donc pas tout à fait exact d’expliquer, comme le fait Manuela Sémidei, que les positions socialistes en cette matière sont dues « aux poids des Fédérations coloniales[73] ». Il suffit d’examiner comment se répartissent les votes des représentants du Maghreb sur les différentes motions présentées pour les Congrès nationaux de la S.F.I.O. pour s’apercevoir que la « Gauche révolutionnaire », majoritaire au Maroc, a aussi gagné du terrain à Alger[74]. Mais pour être précis, disons que tous les « pivertistes » n’ont pas la même interprétation des textes de leur tendance et adoptent même des positions diamétralement opposées. Michel Rouzé[75], responsable des socialistes de gauche à Oran, approuve en ces termes la dissolution de l’Étoile Nord-Africaine : « Le Front populaire ne veut pas plus du nationalisme arabe que de n’importe quel autre[76] ».

Une approche différente de la question nationale

Les organisations de la gauche socialiste et révolutionnaire n’ont pas toutes la même approche du règlement de la question nationale. Les anarchistes expliquent que la solution du problème colonial passe d’abord par une révolution sociale en métropole. En marxistes « classiques », les trotskystes considèrent que le développement historique de la nation est déterminé par le cours de la lutte des classes. Mais la caractéristique essentielle des conceptions théoriques qui sont les leurs en 1930-1935 est le demi-silence dont ils entourent alors le problème national. Lever l’hypothèque que représente la formation d’une bourgeoisie nationale dans les pays du Maghreb, insister sur le passage au socialisme leur paraît bien plus déterminant que le travail d’agitation à mener sur le mot d’ordre d’indépendance. Préoccupation qui les a conduits à manifester en 1930 d’évidentes hésitations sur la question nationale. Il est par exemple demandé au moment du Centenaire de « s’attaquer d’une façon impitoyable à la religion », à « la structure réactionnaire des tribus indigènes », « de dénoncer les chefs indigènes vendus[77] ». Ces « hésitations », que Trotsky n’a pas manqué de relever dans deux textes importants[78], sont certainement loin d’être évanouies au moment du Front populaire. Les thèses du Congrès du P.O.I. d’octobre 37 nous expliquent que « l’Europe socialiste et prolétarienne, ayant procédé à l’expropriation des magnats internationaux peut liquider le problème colonial ».

 

Robert Louzon, quant à lui, dans son étude parue au moment du Centenaire[79], ainsi que les socialistes de gauche insistent sur l’importance de la question nationale avec le mot d’ordre « Droit à la séparation s’ils le veulent ». Mais ils minimisent la différenciation sociale pouvant exister au sein des populations du Maghreb. Les controverses sont vives entre les trotskystes (pour qui le plus grand danger réside dans la séparation entre lutte sociale et lutte nationale) et Louzon-Pera d’autre part. Dans une série d’articles parue dans La lutte des classes[80], les premiers reprochent aux seconds de considérer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme un absolu, et insistent sur le contenu capitaliste et bourgeois de la plupart des revendications nationalistes. Les positions tendent à s’harmoniser peu ou prou au moment du Front populaire. La demande généralement formulée est celle du « Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Pour ce faire, les trotskystes préconisent la formation d’une « assemblée constituante » et s’appuient sur l’exemple de l’Algérie :

On parle beaucoup de démocratie. La seule réelle démocratie c’est de permettre au peuple algérien de s’exprimer, de décider lui-même de son sort. On doit former partout en Algérie des comités de masse pour l’élection au suffrage universel d’une Constituante algérienne où les ouvriers et les paysans pourront en toute indépendance décider de leur sort[81].

André Ferrat, qui s’est fait exclure du P.C.F. en 36 alors qu’il en était le responsable pour les questions coloniales, vient de fonder son groupe « Que Faire ? ». Il reste fidèle à l’idée de « dominion[82] ». Constituante, dominion, ces mots d’ordre trouvent un écho certain parmi les mouvements nationalistes maghrébins, comme en témoigne la prise de position du Parti du Peuple Algérien (P.P.A.) :

Les principes du P.P.A. [écrit Messali Hadj] tendent à faire de l’Algérie un dominion, à amener le gouvernement français à reconnaître au peuple algérien son individualité à le doter d’une constitution et d’un parlement où la majorité sera acquise aux musulmans[83].

L’opposition à la politique du Front populaire

 

La lutte décolonisatrice de la « Gauche révolutionnaire » est orientée dans trois directions : harceler et si possible tenter de convaincre les ministres socialistes (c’est ce que tentera de faire Guérin dans la commission coloniale de la S.F.I.O. contre Moutet, avec de piètres résultats[84]) ; faire l’éducation anticolonialiste des militants de base de la S.F.I.O. ; soutenir, voire même coordonner les luttes menées par les nationalistes dans les pays colonisés par la France. Pour les autres organisations, il est vain de vouloir tenter de « convaincre » les ministres du Front populaire. L’attaque contre ce dernier, dans tous les domaines, se doit d’être frontale.

 

Dès la constitution du Front populaire en 1935, les anarchistes dénoncent par avance tout ce que ce dernier pourrait entreprendre : « Le Front populaire c’est l’abandon de toute lutte révolutionnaire par le ligotage des travailleurs[85] ». Pratiquement le lendemain des élections de mai 36, Révolution, journal des jeunesses trotskystes, proclame dans sa « Une » :

À l’aide des pays coloniaux ! Sarraut[86] envoie Peyrouton[87] au Maroc, il envoie Guillon[88] en Tunisie et maintient Robin[89] en Indochine. Et que fera L. Blum ? Nous pouvons parier à coup sûr que son ministre des Colonies continuera la politique de ses prédécesseurs et travaillera à imposer la domination de la bourgeoisie française sur les indigènes[90].

Dans une lettre du 9 juin 36 à ses jeunes partisans, Trotsky tente de les convaincre d’une position moins « dogmatique » :

Sans engager bien entendu en aucune manière notre responsabilité à l’égard du gouvernement L. Blum, il nous faut néanmoins apparaître aux yeux des ouvriers, non comme des gêneurs mais comme des gens qui veulent aller de l’avant[91].

La Révolution Prolétarienne se demande pourquoi Tunis Socialiste n’alerte pas Le Populaire (le journal de la S.F.I.O.) sur les conditions de vie des travailleurs indigènes et répond :

Sans doute parce qu’il sait d’avance que les ministres du Front populaire, pas plus que les autres ne veulent donner une Constitution aux Tunisiens. Prenez garde, Messieurs, l’Afrique du Nord pourrait bien vous parler... un jour et vous tenir un curieux langage[92] !

 

S’il est faux d’assimiler la politique du Front populaire à propos du Maghreb à celle des gouvernements qui l’ont précédé, il n’en demeure pas moins pour les socialistes de gauche et les révolutionnaires (à l’exception des anarchistes pour lesquels le Front populaire ne diffère pas de la période antérieure) que l’orientation développée n’est absolument pas conforme aux aspirations des indigènes musulmans. Ils vont traduire cela sur plusieurs plans.

La « non-épuration » des hauts fonctionnaires est dénoncée sans cesse. Le maintien en fonction du tout-puissant directeur des affaires politiques au ministère des Colonies, Gaston Joseph[93] ; le non-remplacement immédiat de Peyrouton au Maroc[94] et la nomination de Noguès[95] dont le premier geste est d’appeler le colonel Mullet connu pour ses opinions de droite ; la poursuite des activités en Algérie des « prépondérants » (Georges Lebeau, gouverneur général d’Algérie ; Raoul Aubaud, secrétaire d’état à l’Algérie) constituent à leurs yeux autant de preuves flagrantes de la poursuite de l’entreprise coloniale.

Au plan politique, le projet Blum-Viollette pour l’Algérie est jugé « absolument insuffisant » par la « Gauche révolutionnaire » car voulant diviser les Algériens entre eux. La même argumentation apparaît chez les trotskystes dans un bulletin destiné à l’émigration ouvrière en France :

Le danger c’est de créer une aristocratie électorale qui déjà n’a pas, somme toute, à se plaindre du colonialisme. Tous ceux qui demain pourraient constituer les cadres du mouvement révolutionnaire sont en partie adoptés par l’impérialisme français. On divise pour régner. On diminue aussi la combativité des populations algériennes[96].

La lenteur qui préside à la constitution d’une commission d’enquête pour les colonies est   relevée comme un signe de non-volonté d’accomplissement par la Gauche révolutionnaire :

La commission d’enquête est une vaste plaisanterie. Après un an et demi de Front populaire, elle ne s’est pas encore mise en route. Elle a fait sa petite enquête... à Paris, parce que MM. les gouverneurs généraux jugent sa venue si indésirable dans leurs chasses gardées respectives[97].

Ce qui donne la cohérence du projet politique, c’est la façon dont est abordé le plan économique. L’allégement d’une présence française « encombrante », la promotion des élites locales, l’élimination des effets parasitaires du commerce de traite, un financement public accru à condition « d’acheter français dans la mesure du possible[98] » : cette démarche est caractérisée comme étant celle d’un impérialisme conforme à un stade de développement du capitalisme qui sera celui de la France dans la seconde moitié du XXe siècle. Socialistes de gauche, trotskystes, anarchistes vont donc s’attacher à dénoncer l’aggravation de conditions de vie matérielle au Maghreb. La Lutte ouvrière dresse dans une série d’articles le tableau d’une Afrique du Nord menacée par la disette[99].

Le dernier aspect d’opposition à la politique du Front populaire concerne la question des libertés démocratiques, le droit d’organisation politique et syndicale. En Tunisie le 15 juillet 37, le Résident général supprime toutes les réunions publiques et par la suite annule la plupart des mesures d’apaisement prises l’année précédente. Au Maroc, par un dahir[100] du 24 décembre 36, le droit syndical a été accordé, mais aux Européens seulement. Un dahir du 24 juin 38 rend les Indigènes qui se syndiqueraient passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq jours à trois mois et d’une amende de cinq à trois cents francs. La dissolution de l’Étoile Nord-Africaine en janvier 37, du Comité d’Action Marocaine en mars 37, de la C.G.T. (tunisienne) en avril 38, ne font que creuser davantage encore la méfiance, vite transformée en hostilité ouverte des socialistes de gauche et des révolutionnaires vis-à-vis du Front populaire. Les fusillades de Metlaoui, le 4 mars 37 en Tunisie où dix-neuf mineurs sont tués par la gendarmerie, interviennent pratiquement en même temps que les bagarres de Clichy (mars 37) qui font cinq morts. Par ces actes, écrit Ferrat au lendemain de la dissolution de l’Étoile Nord-Africaine,

[...] le risque est de pousser en masse les coloniaux indigènes dans les filets de la démagogie [...] Le gouvernement Blum a donné aux colons fascistes d’Algérie des facilités nouvelles pour tenter de refaire avec des travailleurs arabes déçus et pleins de rancœur le coup organisé par Franco avec des travailleurs rifains abusés contre le Front populaire espagnol[101].

Contacts et rapprochement avec les nationalistes maghrébins

 

Pendant la période du gouvernement de Front populaire, Paris est, selon l’expression de Charles-André Julien[102], un creuset où fusionnent les divers mouvements coloniaux de libération nationale. La « Gauche révolutionnaire » resserre ses liens déjà anciens avec des Indochinois, des Marocains, des Algériens, et prend contact avec Habib Bourguiba, leader du Néo-Destour tunisien[103]. À une réunion d’information, le 21 octobre 37, elle peut présenter aux militants socialistes les responsables des principaux mouvements de libération au Maghreb : Ahmed Balafrej[104] du Comité d’Action Marocaine, Bourguiba, et, du fait de l’arrestation de Messali Hadj, Radjeff Belkacem[105] du Parti du Peuple Algérien[106].

Si la gauche socialiste avait entretenu avant et pendant le Front populaire des relations régulières avec les nationalistes maghrébins[107], il n’en était pas de même des autres organisations. Il faut en fait attendre la dissolution de l’Étoile Nord-Africaine en janvier 37 pour que s’opère un premier rapprochement. Les anarchistes, qui dénonçaient jusque-là pêle-mêle « la religion » et « les bourgeois nationalistes », figurent avec le P.P.A. le 17 mars 37 dans un meeting. Ils envoient désormais leurs orateurs, Mohamed Saïl et Areski dans des réunions organisées par les messalistes[108]. Au printemps 37, un déjeuner réunit Bourguiba, Messali, et Hedi Nouira[109] du Néo-Destour, dans un petit restaurant de la rue de la Lune à Paris, avec Finidori de La Révolution prolétarienne[110]. Dès l’annonce de la dissolution de l’É.N.A., les trotskystes publient dans une édition spéciale de leur journal[111] l’intégralité de l’appel lancé par celle-ci : « Le Front populaire est parjure ! ». Un rapport de police en date du 4 mars 37 indique que R. Molinier, responsable trotskyste du Parti Communiste Internationaliste (P.C.I.) nouvellement créé[112], est entré en contact avec les responsables de l’É.N.A.[113].

 

Il est un fait que la dissolution de l’Étoile envenime ses rapports avec le P.C.F. Les nationalistes accusent les communistes d’être à l’origine de la répression qui s’exerce contre eux. Le 22 janvier 37, Ben Ali Boukhort[114], responsable du P.C.F., dénonce la politique « sectaire et anti-unitaire » de l’É.N.A., inspirée par Ferrat, « renégat de notre parti ». Le 24 janvier, L’Humanité lance l’accusation suivante, plusieurs fois reprise par la suite : « Les dirigeants de l’Étoile Nord-Africaine prennent la même position que les Croix de Feu d’Algérie et les fascistes. » L’attitude prise par les communistes français lors de la dissolution de l’É.N.A. préfigure celle qu’ils observeront à l’égard des trotskystes vietnamiens, membres du groupe « La Lutte ». Au comité central du P.C.F. réuni le 23 juillet 37, le discours du même Ben Ali Boukhort condamnant le Parti du Peuple Algérien, qualifié de « prolongement du P.P.F. de Doriot[115] », sera complété par le vote d’une adresse au Parti communiste indochinois dénonçant « les provocateurs trotskystes[116] ».  

 

Les attaques incessantes du Parti communiste poussent au rapprochement entre les nationalistes maghrébins et les organisations de la gauche socialiste et révolution­naire. Une série de meetings et d’initiatives communes est organisée.

L’É.N.A./P.P.A. est l’organisation qui s’engagera le plus aux côtés des socialistes de gauche. On relève sa présence à la Conférence internationale des organisations socialistes de gauche (où se trouvent en particulier le P.O.U.M. espagnol et l’I.L.P.[117] britannique) tenue à Paris du 19 au 24 février 38. Elle y participe au titre d'observateur[118]. La coordination des batailles pour « la défense des peuples coloniaux » est assurée par divers organismes, tous créés à la veille de la Seconde Guerre mondiale, où prennent part socialistes de gauche, trotskystes et syndicalistes révolutionnaires. À la fin du mois d’avril 37 se constitue à Paris autour de Messali Hadj, du nationaliste vietnamien Nguyen The Truyen[119], et de Ramananjato[120] de Madagascar, le Rassemblement Colonial, soutenu par Louis Roubaud[121], Andrée Viollis[122], Léon Werth[123], Luc Durtain[124], Félicien Challaye[125].

À la fin de l’année 1937, se met en place le Secours International Solidarité-Liberté (S.I.S.L.). Par une lettre de son secrétaire, Andrée Limbour, adressée aux organisations[126], on apprend que :

Les anarchistes ont décliné l’invitation en se retranchant derrière leur propre Secours nouvellement créé[127]. Les organisations suivantes se sont fait représenter : Comité de la Révolution espagnole, Comité d’enquête sur les procès de Moscou, Étudiants Socialistes, Amis de l’École Emancipée, Gauche révolutionnaire, Parti ouvrier internationaliste, Révolution prolétarienne.

Challaye, membre du bureau, s’occupe de la question coloniale. L’appel à la constitution du S.I.S.L. commence ainsi :

Des centaines et des centaines d’hommes souffrent en prison pour avoir servi la cause des travailleurs. Qui les défend ? Qui les secourt ? En Indochine, Ta-Thu-Thau, à demi-paralysé après des semaines de grève de la faim reste emprisonné. Les bagnes indochinois regorgent de martyrs. En Algérie Messali Hadj est jeté en prison. Au Maroc, El Fassi[128] et les siens sont déportés vers les climats mortels de l’Afrique équatoriale […].

Il se termine par le vœu de « constituer la puissante organisation de défense et de secours qui, au-delà des distinctions de partis, de nationalité ou de race prendra en main la cause des victimes de la répression ».

Le 13 janvier 38, le S.I.S.L. organise sa première réunion d’information dans la salle F de la Mutualité sur le thème « Des hommes qu’il faut sauver ». Guérin prend la parole sur le cas de Ta-Thu-Thau ; Rosenthal parle de Boukharine et Rakovski[129] ; Louzon défend El Fassi et Messali Hadj ; Challaye conclut la réunion[130]. En novembre 38, ceux qui ont jeté les bases du S.I.S.L. se retrouvent dans un Bureau de Défense des Peuples Coloniaux. L’énumération des membres fondateurs rappelle quels sont, dans l’entre-deux-guerres, les militants les plus en vue de l’anticolonialisme en France : Robert-Jean Longuet[131] ; Marc Casati[132] ; Colette Audry[133] ;  Me André Berthon[134] ; F. Challaye ; Me Depreux[135] ; A. Ferrat ; J.-P. Finidori ; D. Guérin ; R. Louzon ; Me G. Rosenthal ; Léon Werth[136].

 

Antifascisme et anticolonialisme

 

Pendant les années du Front populaire, la gauche socialiste et révolutionnaire s’est trouvée confrontée à l’état de fait suivant. Les premiers à dénoncer le fas­cisme, à saisir et à mesurer l’étendue de la victoire hitlé­rienne en Allemagne[137] et les conséquences que cela entraîne pour l’Europe, ses militants se sont toujours refusés à pactiser contre Hilter avec leur gouvernement : « Nous n’avons pas voulu combattre l’hitlérisme en enchaînant les travailleurs au char de leur adversaire de classe », dit Guérin dans son témoignage, Front populaire, Révolution manquée. Cela explique essentiel­lement pourquoi la plupart d’entre eux ne participent pas au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (C.V.I.A.[138]). Ils estiment détenir un moyen tout différent de lutte contre le fascisme international, un moyen qui leur appartient en propre, celui de l’internationalisme révolutionnaire. Les anarchistes soulignent le danger existant pour les colonies :

Mussolini voit fort bien l’Afrique du Nord, le Japon, l’Indochine, etc. Pour nous, révolutionnaires, nous devons éviter de tirer les peuples de la gueule d’un tigre pour les jeter dans celle d’un lion […] Nos coloniaux sont nos frères, n’oublions pas qu’ils ont beaucoup d’espoir en nous, ne les abandonnons pas à des maîtres nouveaux qui ne manqueront pas d’être aussi barbares que les anciens[139].

Mais trotskystes et socialistes de gauche sont en désaccord avec la position des anarchistes qui ne peut conduire selon eux qu’à la passivité. À l’occasion de l’affaire éthiopienne, ils affirment dans une déclaration commune qu’« en contribuant à l’affaiblissement d’un impérialisme la lutte d’un peuple arriéré s’intègre dans la lutte révolutionnaire du prolétariat et contribue à la victoire de la Révolution[140]». Pour sortir de la contra­diction « fascisme ou maintien de la démocratie bour­geoise », le seul recours est la mobilisation des masses des colonies sur leur propre plan. C’est ce que souligne en particulier Trotsky dans une lettre à la section française de la IVe Internationale :

On n’accorde pas assez d’attention dans nos sections, et surtout la section française, au conflit italo-éthiopien. La question est de la plus haute importance, en elle-même d’abord, et ensuite du point de vue du tournant de l’Internationale communiste. Bien entendu, nous sommes pour la défaite de l’Italie et pour la victoire de l’Éthiopie, et nous devons donc faire tout notre possible pour empêcher par tous les moyens en notre pouvoir, que d’autres puissances impérialistes soutiennent l’impéria­lisme italien et en même temps faciliter du mieux que nous pouvons la livraison d’armes à l’Éthiopie. Néan­moins, nous devons faire valoir que cette lutte n’est pas dirigée contre le fascisme, mais contre l’impérialisme. Quand c’est de guerre qu’il s’agit il n’est pas question pour nous de savoir qui est le meilleur du Négus ou de Mussolini, mais d’un rapport de forces et du combat d’une nation sous-développée pour sa défense contre l’impéria­lisme[141].

La campagne sur l’Éthiopie livrée au moment de la constitution du Front populaire va éveiller l’attention des nationalistes maghrébins sur le dilemme à sur­monter : soutenir la France contre la menace fasciste ? Messali Hadj n’hésitera pas à déclarer le 22 août 35 dans un meeting organisé par la Ligue de défense de la Race nègre[142] à propos de l’Éthiopie :

Je fais appel à mes coreligionnaires pour leur conseiller en cas de conflit mondial de retourner leurs armes contre leurs dominateurs respectifs pour conquérir leur indé­pendance[143].

 

Le 18 juillet 36, le coup d’État militaire de Francisco Franco ouvre en Espagne la guerre civile[144]. L’attention se porte immédiatement sur le Maroc d’où sont parties les troupes franquistes. Y avait-il possibilité de soulève­ment des Rifains, ce qui aurait pu stopper la marche des insurgés ? Trois ans plus tard, dans une série d’articles, La Lutte Ouvrière raconte comment des nationalistes marocains ont pris contact avec des représentants du Front populaire à Barcelone :

À peine arrivés, premiers échanges de vue rapides : la possibilité concrète du soulèvement rifain, la nécessité de reconnaissance politique de l’indépendance rifaine. Dans les grandes lignes, accord immédiat [...] Aucune décision ne se prenait. Les jours passaient sans résultats. À plusieurs reprises, nous avons demandé d’aller jusqu’au front, ce qui fut poliment refusé[145].

La guerre d’Espagne va provoquer la rupture définitive entre l’Étoile Nord-Africaine et le P.C.F., à propos des travailleurs nord-africains aux côtés des Républicains espagnols. Les nationalistes veulent se battre, mais avant tout pour leur droit, celui de l’indé­pendance :

Quant au danger fasciste en général et celui de l’Espagne en particulier, nous croyons lui trouver également un remède très simple : s’il s’inquiète à ce point, il n’y a pour le Front populaire espagnol qu’à proclamer l’indé­pendance du Maroc espagnol[146].

Si les populations marocaines s’étaient senties soli­daires d’un gouvernement répondant à leurs aspirations, jamais le mouvement fasciste n’aurait pu prendre nais­sance au Maroc ; en sorte que c’est la non-prise en considération de la volonté d’indépendance qui est cause de la terrible situation marocaine. Telle est en substance la thèse que vont développer toutes les organisations de la gauche socialiste et révolutionnaire. Louzon explique que « les indigènes musulmans sont poussés dans les bras du fascisme[147] » ; Ferrat analyse :

L’exemple espagnol a déjà montré jusqu’à quelles extré­mités redoutables peut conduire cette politique coloniale des partis du Front populaire. Les partis du Front populaire espagnol comme ceux du Front populaire fran­çais ont eux aussi refusé de soutenir les mouvements nationaux démocratiques, notamment celui du Maroc espagnol[148].

La politique du Front populaire est accusée, somme toute, « de frayer la voie au fascisme ». Approuvant cette analyse, les trotskystes tiennent à préciser leur point de vue de la manière suivante :

Nous attirons l’attention de nos camarades sur un point important : si le soutien véhément des rebelles des insur­rections marocaines contre la France vient d’Allemagne, si le soutien des nationalistes abyssins vient de France ou d’Angleterre, un tel soutien commence à devenir suspect […] Dans tous les pays où la solidarité avec les peuples opprimés tend à dégénérer en haine chauvine, notre principale tâche consiste dans ces pays à lutter avant tout contre ce courant[149].

Mainmise sur l’Éthiopie et agitation des fascistes italiens en Tunisie[150] ; infiltration économique et militaire de l’Allemagne dans le Rif espagnol et l’enclave saharienne d’Ifni ; rapprochement militaire étroit entre la France et l’Angleterre pour la constitu­tion d’un bloc en Méditerranée permettant de faire face à l’Axe Rome-Berlin : au moment de la fin des Fronts populaires en France et en Espagne, la tension en Médi­terranée prend un caractère plus vif. Dans son rapport colonial pour le Congrès du P.O.I. du 30 octobre 37, David Rousset note :

La tension aiguë de ces derniers mois pose concrète­ment le problème de la guerre. En cas de conflit, il y aurait un front d’Afrique du Nord qui serait d’une importance considérable tant du point de vue du dérou­lement de la guerre impérialiste que des convulsions sociales qui en résulteraient.

 

La guerre qui vient

 

Dans la politique générale du Front populaire, la question coloniale représente-t-elle un élément mineur ? Non. Bien des choix ont été faits en 1936-1937 qui ont pesé lourd dans la détermination des voies d’accès à l’indépendance qu’emprunteront ultérieurement les différentes nations ou nationa­lités opprimées à l’époque. Mais pour les partis de la gauche officielle, cause coloniale et  cause  française s’identi­fient plus que jamais. Et les autorités coloniales n’ont pas voulu  durant  cette  période prendre  le risque,  y compris de simples réformes,  préférant opter pour la préservation du statu quo existant. Néanmoins les questions fonda­mentales pour l’avenir du mouvement national au Maghreb commencent à être tranchées entre 1935 et 1938. Les forces qui se réclament de l’indépendance réussissent non seulement à survivre mais encore à s’imposer comme les forces politiques  les  mieux  organisées  et les  plus dynamiques. À cet égard, l’émergence de ces manifesta­tions nationalistes apporte une nouvelle démonstra­tion : si l’espérance du Front  populaire devait être déçue, elle serait la dernière.

 

Quinze ans après, au Maghreb, l’espérance fut renouvelée mais sans reconduction d’une expérience de type Front populaire. Une autre démarche va s’opérer, celle du conflit ouvert, en particulier en Algérie. Pour la gauche socialiste et révolutionnaire, l’opposition au Front populaire ne concerne pas le rythme des réformes à mener, mais le sens de la politique à suivre. Pour eux, l’expérience du Front populaire n’aura fait que démon­trer une nouvelle fois l’immobilisme du système colo­nial. Ont-ils alors saisi la chance d’être entendu par les mouvements protestataires nationalistes du Maghreb ?

Leur condamnation sans appel du fait colonial, l’absence de toutes traces d’illusions ou d’hésitations sur le sens de la colonisation se situent dans la continuité du mouvement ouvrier du début de siècle. Et pourtant, à la différence du Vietnam (l’intervention des trotskystes en particulier y est importante) où la question sociale va acquérir un relief politique particulièrement vigoureux, ils ne parviennent pas à modifier la configuration du mouvement national au Maghreb qui n’intègre pas les critères de classe pour la lutte nationale.

 

Pour les trotskystes et les socialistes de gauche, puisque la tâche du moment consiste à « reconstruire le mouvement ouvrier gangrené par le stalinisme[151] », à l’im­prégner d’internationalisme, l’heure de la réévaluation de la culture politique nationale n’est pas encore venue. Le mouvement révolutionnaire authentique ne peut se constituer qu’au prix d’une contestation radicale du nationalisme. D’où la mise entre parenthèses de l’héri­tage culturel, la rigidité de l’intervention politique. Ils n’ont de ce fait pas précisé la nature des rapports que le marxisme devrait entretenir avec des mouvements de libération nationale dont la plupart ont un caractère non socialiste. Question épineuse et qui s’est sans cesse posée à chacune des étapes de leurs relations avec ces mouve­ments. Accrochés aux écrits de Lénine sur la question nationale et coloniale ainsi qu’aux résolutions des quatre premiers Congrès de l’Internationale Commu­niste, ils ne parviennent pas véritablement à la mise en application de ces références. Cela par l’absence d’un instrument international susceptible de coordonner jus­qu’à leur fusion totale les luttes des travailleurs d’Europe et ceux des colonies. C’est pourquoi Trotsky jette les bases de la IVe Internationale proclamée en 1938 et que les socialistes de gauche tentent de mettre sur pied un Front ouvrier international qui, lui, va disparaître dans la guerre faute d’un programme cohérent.

Dans la période 1935-1938, leur analyse ne va pas varier. La décomposition de la IIIe République, la course de vitesse entre le fascisme et le socialisme au moment de l’arrivée du Front populaire, font de la France le chaînon faible du système impérialiste. Là sont à l’œuvre les forces susceptibles de débloquer la situation au Maghreb. Anarchistes et anarcho-syndicalistes, dont le déclin est largement amorcé dans le mouvement ouvrier fran­çais, se singularisent par un manque de souci des situations concrètes, une méfiance à l’égard des apti­tudes créatrices des peuples indigènes, une sous-estimation complète de certains facteurs comme le poids de la religion, par exemple.

 

Au printemps 1938, c'est l’attitude à tenir devant l’urgence de la guerre européenne qui préoccupe les minorités révolutionnaires. Même si l’on pressent que la Seconde Guerre mondiale peut se traduire par une nou­velle tentative de partage des colonies, les luttes de libération nationale passent au second plan de leurs préoccupations. Et de fait, une fois de plus, c’est la guerre avec son cortège immense de conséquences imprévisibles qui allait redistribuer les cartes au Maghreb.

 

Benjamin Stora.

 


[1] Cet article est une version remaniée de celui paru dans la Revue française d’histoire d’outre-mer, n° 258-259, 1er et 2e semestre 1983.

[2] À la question de savoir si elles sont décidées à « se battre plutôt que de céder la moindre partie de nos possessions coloniales », 44 % de personnes interrogées répondent « Non », 40 % « Oui » et 16 % ne donnent pas de réponse (cf. P. Henry, Sondages, oût 1939, p. 11-12).

[3] Pour un examen général de ces organisations, deux études fondamentales : Pierre Broué et Nicole Dorey, « Critiques de gauche et opposition révolutionnaire au Front populaire, 1936-1938 », Le Mouvement Social, janvier-mars 1966, p. 91-133 ; Jean-Pierre Rioux, Révolutionnaires du Front Populaire, « 10-18 », 1973 et plus spécialement p. 13-35.

[4] Pour une approche générale du Front Populaire et des organi­sations socialistes de gauche, révolutionnaires, voir : Jacques Danos et Marcel Gibelin, Juin 36, Maspero, 1972.

[5] Cité par Manuela Semidei, « La s.f.i.o. et le problème colonial », Revue Française de Sciences Politiques, décembre 1968, p. 1115-1154.

[6] C.-R. Ageron, « Jaurès et les socialistes français devant la question algérienne de 1895 à 1914 », Le Mouvement social, janvier-mars 1963, p. 3-29.

[7] Lire, dans le n° 7 de la revue Aden : Éric Nadaud, « Les pacifistes du Parti socialiste S.F.I.O., du Congrès national de Nantes à la défaite de la France (juin 1939-juin 1940) ».

[8] « Histoire du Parti socialiste S.F.I.O. », Revue de l’Ours, juin 1976, p. 46.

[9] Larbi Tahlat, instituteur, a fondé la revue La voix des humbles en 1922, avec Saïd Faci. Cette revue luttait pour « l’émancipation des indigènes », par l’application du principe de l’égalité des droits…

[10] Ibid, p. 45.

[11] Sur le projet Blum-Violette et la faiblesse de la politique de la S.F.I.O. pour l’Algérie, voir C-R. Ageron, « 1936 : l’Algérie entre le Front populaire et le Congrès musulman », in L’Algérie algérienne de Napoléon III à De Gaulle, Sinbad, 1980, p. 123-164. 

[12] Georges Oved, dans son article sur « La gauche française et les jeunes marocains » écrit : « L’information de la commission colo­niale ou de la presse du Parti sur la situation marocaine est très sommaire. L’implantation du P.C. au Maroc est insignifiante » (Cahier du Mouvement social, n° 3, 1978, p. 103).

[13] Juliette Bessis note dans « Le Mouvement ouvrier tunisien : de ses origines à l’indépendance » que « dès 1926, le P.C. voit son activité mise en veilleuse » (Le Mouvement social, octobre-décembre 1974, p. 85-108).

[14] Cf. Emmanuel Sivan, « Quasi-liquidation du travail anticolonial », in Communisme et Nationalisme en Algérie, Presses de Sciences Po, 1976, p. 71-81.

[15] Témoignage d’A. Ferrat, recueilli par l’auteur en 1977. André Morel dit André Ferrat (1902-1988) milita au P.C.F. à partir de 1921. Il fut membre du Comité central comme délégué des Jeunesses communistes à partir de 1924, siégea au Bureau politique de 1928 à 1936, fut rédacteur en chef de L’Humanité de 1932 à 1934. Il avait fait son service militaire en Algérie en 1925 et mena une active campagne clandestine de propagande contre la guerre du Rif. Il fut aussi responsable de la Commission coloniale à partir de 1931. En février 1935, il exposa dans les Cahiers du bolchevisme une stratégie de front unique anti-impérialiste dans les colonies. [cf. la notice de J. Maitron et Cl. Pennetier dans le Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier Français [DBMOF], L’Atelier-Éditions ouvrières, Cédérom, 1997]

[16] Thomas Adrian Schweitzer, « Le P.C.F., le Komintern et l’Algérie dans les années 1930 », Le Mouvement social, janvier-mars 1972, p. 115-136.

[17] Jacques Jurquet, La Révolution nationale algérienne et le Parti communiste français, T. 2, éditions du Centenaire, 1974, p. 344.

[18] Rapport au IXe Congrès du P.C.F., 25-29 décembre 1937.

[19] « Il y a une nation algérienne qui se constitue, elle aussi dans le mélange de 20 races [...] et dont l’évolution peut être facilitée, aidée, par l’effort de la République Française. » (Maurice Thorez, Œuvres, 1, XVI, p. 171).

[20] C.-R. Ageron, L’Algérie algérienne de Napoléon III à De Gaulle, op. cit., p. 125.

[21] « Quelques réflexions sur une politique coloniale socialiste – Papiers Moutet », cité in Daniel Hémery, Révolutionnaires vietnamiens et pouvoir colonial en Indochine, Maspero, 1975, p. 30.

[22] Marius Moutet (1876-1968), spécialiste des questions coloniales, tant à la S.F.I.O. qu’à la Ligue des Droits de l’Homme,  fut nommé  ministre des Colonies en 1936. [Cf. Jean-Pierre Gratien, Marius Moutet, de la question coloniale à la construction européenne (1914‑1962), Doctorat d’histoire, Université de Paris I, 2004]

[23] « Papiers Moutet », cité par Jacques Marseille, « La Conférence des gouverneurs généraux », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1977, p. 63.

[24] In Jakob Moneta, La politique du parti communiste français et la question coloniale (1920‑1963), Maspero,  1971, p. 307.

[25] Sur l’anticolonialisme anarchiste et ouvrier au début du siècle, cf. C.-R. Ageron, L’anticolonialisme en France de 1871 à 1914, P.U.F., 1973 et plus spécialement p. 32-35.

[26] Lire, dans le n° 7 : Arnaud Blouin : « Le pacifisme du noyau syndicaliste révolutionnaire de La Révolution prolétarienne (1914-1939) » ; Vincent Chambarlhac : « 1914-193… Une mémoire brisée ? Entre marginalisation et fidélité, le combat des pacifistes de la Grande Guerre dans les années 30 ». [n.d.l.r.]

[27] Cf. l’article de A. Mathieu sur M. Paz. [n.d.l.r.]

[28] Marceau Pivert (1895-1958) était le leader du courant de la Gauche révolutionnaire à la S.F.I.O.

[29] Cf. l’article d’A. Blouin déjà cité. [n.d.l.r.]

[30] Opposés à l’alignement de la C.G.T.U. sur le P.C.F., les anarchistes se regroupent en 1926 dans la Confédération Générale du Travail-Syndicaliste révolutionnaire.

[31] Collections déposées au Centre d’Études et de Recherches du Mouvement Trotskyste et Révolutionnaire International (CERMTRI).

[32] Samuel Jospin, La c.g.ts.r. à travers son journal Le Combat syndicaliste, 1926-1937, Maîtrise, Université de Paris I, 1974.

[33] De 1929 à 1939, quatre organisations ont existé en France : l’Union anarchiste-communiste révolutionnaire qui en 34 devient l’Union anarchiste ; l’Association des fédéralistes anarchistes ; la Fédération anarchiste de langue française ; la Fédération Commu­niste Libertaire (Cf. Alain Droguet, Le mouvement anarchiste-communiste de 1929 à 1939 vu à travers ses Congrès, Maîtrise, Université de Paris I, 1972).

[34] Le Libertaire, respectivement 25 novembre 1929 et 2 octobre 1936.

[35] Mohamed Saïl (1894-1953) et Slimane Kiouane (1896-1971) étaient les principaux animateurs du Comité d’action pour la défense des indigènes algériens fondé par la Fédération anarchiste de la région parisienne.

[36] Mahfoud Kaddache, Histoire du nationalisme algérien, Alger, SNED, 1980, t. I, p. 258.

[37] Tract reproduit dans Le Combat Syndicaliste, 25 janvier 1935.

[38] In Françoise Vanacker, Le Mouvement anarchiste à travers Le Libertaire (1934-1939), Maîtrise, Université de Paris I, 1971.

[39] « Sauvons les camarades d’Oran et de Casablanca », Le Combat syndicaliste, 8 mai  1936 ; « Appel pour les emprisonnés  d’Oran », ibid., 29 mai  1936.

[40] Cité in Maurice Joyeux, L’Anarchie dans la société contempo­raine, Castermann, 1977, p. 14.

[41] Pierre Monatte (1881-1960), ouvrier du livre et syndicaliste, fonda La Révolution Prolétarienne après avoir été exclu du P.C.F. en 1924.

[42] Voici le nombre d'articles où la signature de R. Louzon apparaît explicitement : Algérie, huit ; Tunisie, cinq ; Maroc, deux ; Indochine, un ; Éthiopie, un ; colonialisme, trois.

[43] J. Bessis, « Le Mouvement ouvrier tunisien : de ses origines à l’indépendance », art. cit., p. 91.

[44] Indication fournie par Pierre Broué.

[45] « La crise du Parti communiste. Lettre aux camarades algériens ». La Révolution Prolétarienne la reproduit dans sa livraison du 15 mars 1926. La Lutte Sociale avait refusé de publier cet appel qui lui était adressé.

[46] « L’unité syndicale à Alger », La Révolution Prolétarienne, 25 avril 1936.

[47] « Dédié à M. Moutet, défenseur des indigènes », ibid., 10 juillet 1936.

[48] « La répression contre les grévistes musulmans », ibid., 25 juillet 1936.

[49] « Une nouvelle provocation fasciste », ibid., 25 août 1936.

[50] « Lettre de Tunis », ibid.

[51] Ibid., 10 février 1933. Il y a au total 968 abonnés à la revue.

[52] Pierre Naville (1904-1993) faisait partie du groupe surréaliste. Il le quitta pour rejoindre le Parti communiste et diriger la revue Clarté, avant de se rallia à Trotsky qu’il rencontra à Moscou en 1927.

[53] Gérard Rosenthal (1903-1992) avait accompagné son ami Pierre Naville à Moscou en 1927.

[54] Pierre Naville, La lutte des classes en France, EDI, 1976, p. 138. Cf. aussi Jean-Jacques Marie, Trotsky, le trotskysme et la IVe Internatio­nale, « Que sais-je », n° 1830. Pierre Franck (1905-1984), ingénieur chimiste, militant au P.C.F. depuis 1925, apporta son soutien à Trotsky dès 1927. Il fut son secrétaire pendant un an à partir de juillet 1932.

[55] Léon Trotsky, Le mouvement communiste en France, Notes de P. Broué, éditions de Minuit, 1967, p. 448.

[56] L’Union Intercoloniale fut fondée en 1921 avec l’appui du P.C.F. et à destination des militants originaires des colonies. Son organe, Le Paria, était dirigé par Nguyen Ai Quoc, le futur Hô Chi Minh.

[57] Cf. D. Hémery, « Du patriotisme au marxisme : l’immigration vietnamienne en France de 1926 à 1930 », Le Mouvement Social, n° 90, 1975, p. 3-54.

[58] Après son baccalauréat, Ta-Thu-Thau (1906-1945) avait poursuivi ses études en France et s’était engagé dans le mouvement trotskyste.

[59] Sur la vie du leader nationaliste Messali Hadj (1898-1974), cf.  B. Stora, Messali Hadj, Hachette Littératures, 2004.

[60] Mémoires inédits de Messali Hadj, cahiers n° 8, p. 2030. Ces mémoires ont été publiées dans une version très abrégée en 1982 aux éditions Lattès. Il est ici question des manuscrits originaux.

[61] Ta-Thu-Thau, « Après Yen-Bay, que faire ? », La Vérité, 18 avril 1930.

[62] Intervention de P. Naville, in S.F.I.O., XXXIe Congrès national de Mulhouse, juin 1935. Compte rendu sténographique, Librairie populaire, p. 311-312.

[63] Bulletin intérieur des Groupes bolcheviks-léninistes, juillet-août 1935.

[64] Raymond Molinier (1904-1994) avait rencontré Trotsky avec Pierre Franck en 1929. À la suite de son exclusion du P.O.I., il fonda sa propre groupe : le Parti communiste internationaliste (P.C.I.).

[65] Robert Molinier, « Pourquoi l’unification du P.O.I. a échoué », Bulletin intérieur du P.O.I., 10 octobre 1936.

[66] David Rousset (1912-1997) avait rejoint la S.F.I.O. alors qu’il était étudiant en philosophie. Il rencontra Trotsky lors de son voyage en France en 1935 et participa à la fondation du P.O.I. l’année suivante.

[67] David Rousset, Rapport colonial interne pour le Congrès du P.O.I., Brochure ronéo, p. 19.

[68] Il s’agit d’une tendance de gauche, très active, de la Fédération de Paris.

[69] Daniel Guérin, militant libertaire s’est fait connaître dès 1930 en publiant Tempête sur le Maroc.

[70] Ces jeunes nationalistes marocains avaient fait leurs études en France.

[71] D. Guérin, Ci-gît le colonialisme, La Haye, Paris, Mouton, 1973, p. 13.

[72] Juin 1936, 10 mai 1938.

[73] M. Semidei, « La s.f.i.o. et le problème colonial », art.cit., p. 1142.

[74] S.F.I.O., XXXIVe Congrès national tenu à Marseille du 15 au 18 mai 1937, compte rendu sténographique, Librairie Populaire, 1937, p. 606-607.

[75] Michel Rouzé (1910-2003) était rédacteur en chef d’Oran Républicain, qu’il avait contribué à fonder.

[76] Michel Rouzé, Oran-Républicain, 7 février 1937.

[77] La Vérité, 9 mai 1930 ; 1er mai 1931.

[78] Trotsky critique en 1930 ses « camarades indochinois » : « La lutte contre le régime sanglant de l’occupation française devrait être conduite sous les mots d’ordre exigeant la démocratie la plus profonde et la plus conséquente. Les communistes devraient être les meilleurs et les plus courageux combattants contre le poids injuste du militarisme, pour la liberté de parole et de réunion et pour une Assemblée constituante indochi­noise. L’on ne peut arriver à la dictature du prolétariat par le refus a priori de la démocratie. » (cité in D. Hémery, Révolutionnaires vietnamiens et pouvoir colonial en Indochine, op. cit., p. 441). Trotsky reprendra la même analyse en 35 à propos de l’Afrique du Sud (« Le problème national et les tâches du parti prolétarien », in Œuvres, EDI, T. 5, p. 242-252).

[79] R. Louzon, « Cent ans de capitalisme en Algérie », La Révolution Prolétarienne, 1er mars 1930 ; « La période de l’accumulation primitive », ibid., 15 mai 1930.

[80] A. Ariat (Aimé Patri), La Lutte des classes, 10 septembre 1929, p. 324-329 ; mai-juin 1930, p. 420-424.

[81] « En Afrique du Nord, pour l'Assemblée constituante du peuple travailleur », La Lutte Ouvrière, 3 juin 1937.

[82] Témoignage d’A. Ferrat.

[83] Az Zhora [journal tunisien], 5 juin 1937 ; cité in Salah Mathlouti, Le Messalisme : itinéraire politique et idéologie (1926-1939), Thèse de 3e cycle, Université de Paris VIII, 1975, f. 245.

[84] D. Guérin, « La Commission coloniale du Parti », Les Cahiers rouges, juin-juillet 1937.

[85] Le Libertaire, 6 décembre 1935.

[86] Député radical (1902-1924) puis sénateur de l’Aude (1926-1940), Albert Sarraut (1872-1962) fut ministre des Colonies à plusieurs reprises, entre 1920 et 1924 et entre juin 1932 et octobre 1933. De 1911 à 1914, puis de 1916 à 1919, il avait exercé les fonctions de Gouverneur général de l’Indochine. Au début des années 1920, il avait élaboré un plan de mise en valeur des colonies, accordant une grande place aux œuvres sociales d’enseignement, d’hygiène, d’assistance aux indigènes.

[87] Marcel Peyrouton (1887-1983), résident général de Tunisie depuis juillet 1933, avait mené une politique très répressive. Il la poursuivit à la Résidence du Maroc où il fut nommé en mars 36.

[88] À son arrivée en Tunisie, Armand Guillon mit un terme à la répression instaurée par son prédécesseur Peyrouton en fermant Bordj le Bœuf où avaient été déportés plusieurs militants destouriens. Une amnistie politique fit suite au retour des exilés.

[89] René Robin fut nommé gouverneur général de l’Indochine en janvier 1934. Il avait déjà exercé cette fonction par interim en 1930 et s’était illustré par une politique particulièrement répressive.

[90] Révolution, 18 mai 1936.

[91] L. Trotsky, Œuvres, t. 10, p. 72.

[92] J.-P. Finidori, « En Tunisie plus ça change… », La Révolution prolétarienne, 10 août 1936.

[93] À sa sortie de l’École Coloniale, Gaston Joseph (1884-1977) entra dans le cadre africain où son ascension fut rapide : administrateur-adjoint en 1910, administrateur en 1916, gouverneur en 1924. En 1929, il entra à la direction des affaires politiques du ministère des Colonies et y resta jusqu’en19 43.

[94] « Le Front populaire n’a rien changé au Maroc », La Révolution prolétarienne, 25 juillet 1936.

[95] Charles Noguès, (1876-1971) prend en 1936 le poste de Résident général au Maroc. Rallié à Pétain, il est condamné à vingt ans de travaux forcé. Il rentre en France en 1954, et il est amnistié.

[96] « Le projet Blum-Violette n’apporte aucun remède à la crise algérienne », Bulletin d’informations coloniales du P.O.I., n° 1, mars 1937.

[97] Procès-verbal de la réunion d’information de la Gauche révolutionnaire sur le problème colonial, 21 octobre 1937.

[98] « Lettre du ministre des colonies pour la Conférence des gouverneurs généraux », Le Mouvement Social, respectivement p. 77, 79.

[99] « L'Afrique du Nord crie famine », La Lutte Ouvrière, 23 avril 1937 ; « En Afrique du Nord, exigeons la distribution immédiate de secours aux affamés », ibid., 14 mai 1937 ; « Il faut prélever sur le budget de la guerre les sommes nécessaires pour nourrir les affamés », ibid., 21 mai 1937 ; « De la terre et de l’eau », ibid., 23 juillet 1937. 

[100] Le Dahir est un décret-loi en rapport avec la loi musulmane.

[101] A. Ferrat, « Une honte », Drapeau Rouge, hebdomadaire du groupe Que Faire, 3 février 1937.

[102] Charles-André Julien, L’Afrique du Nord en marche, 1952, Omnibus, rééd. 1972.

[103] Né à Monastir, Habib Bourguiba (1903-2000) fit ses études de droit et de sciences politiques à Paris. À son retour en Tunisie en 1927, il adhéra au Destour, parti nationaliste tunisien fondé en 1919 dont le nom signifie « Constitution ». Bourguiba ne le trouva pas assez revendicatif et fonda le Néo-Destour le 3 mars 1934. Arrêté en septembre 34, il fut exilé dans le sud tunisien. Il sera libéré par le Front populaire.

[104] Jeune intellectuel nationaliste, Ahmed Balafrej (1908-1990) avait fait ses études au Caire et à Paris. Il avait rédigé en 1934 avec Mohamed Hassan Ouazzani au nom du Comité d’Action Marocaine, un plan de réformes, soumis aux autorités françaises et marocaines. Celles-ci avaient dissous le C.A.M. en mars 1937.

[105] Radjeff Belkacem (1909-1989) était trésorier de l’É.N.A.

[106] D. Guérin, Front populaire, révolution manquée, Maspero, 1963, 1970, p. 177-178.

[107] Il faut à ce titre signaler l’activité de R.-J. Longuet et de sa revue Maghreb en faveur du Maroc. Au moment du Front popu­laire, la Gauche révolutionnaire publiera ses articles (Cf. en particulier « Le Maroc en danger », La Gauche révolution­naire, 20 novembre 1936).

[108] C.-R. Ageron, « Émigration et politique : l’Étoile Nord-Africaine et le Parti du Peuple Algérien », Postface aux Mémoires de Messali Hadj, Lattès, 1982, p. 273-279.

[109] Hedi Nouira (1911-1993) participa à la fondation du Neo-Destour par Bourguiba. Il fit ses études à Paris avant de rentrer en Tunisie en 1938.

[110] Rapporté par D. Guérin in Ci-gît le colonialisme, op.cit., p. 234.

[111] La Lutte Ouvrière, n° 30, édition spéciale « Il faut imposer pour les coloniaux le droit de s’organiser librement », 5 février 1937. M. Kaddache signale l’existence de ce texte dans les archives d’Aix, in Histoire du nationalisme, Alger, Société nationale d’édition et de diffusion, 1981, p. 483.

[112] Exclu du P.O.I. en octobre 1936, R. Molinier avait créé le P.C.I. avec Pierre Franck (sur l’histoire des trotskystes à cette époque, cf. : Salomon Ketz, De la naissance du groupe bolchevik-léniniste à la crise de la section française (1934-1936), Maîtrise d’histoire, Université de Paris I, 1974).

[113] Rapport de police n° 16 694-B, 4 mars 1937.

[114] Ben Ali Boukhort a été secrétaire général du Parti communiste algérien. Après s’être violemment opposé à eux, il a finalement rallié les rangs des nationalistes après la guerre.

[115] Dans un rapport de police du 6 mars 1937 (10 694-B), il est dit, en contradiction flagrante avec ce qui était expliqué alors : « Il convient de rappeler que les ex-militants de l’É.N.A. ont mis en garde leurs camarades contre la propagande des "fascistes". Ils leur ont recommandé de rester fidèles au serment du 14 juillet 1935 "afin de suivre le peuple français pour protester contre la dissolution et pour l’octroi des libertés démocratiques". »

[116] Texte publié dans la brochure Union des Peuples de France et des Colonies pour le pain, la paix, la liberté, Bureau d’édition, 1937.

[117] Cf. respectivement dans le n° 5 de la revue Aden : M. Chueca, « Le P.O.U.M., l’autre mémoire républicaine » ; Fr. Guyot, « Orwell et la découverte du totalitarisme ».

[118] Relevé par M. Dreyfus dans « Bureau de Paris et bureau de Londres : le socialisme de gauche en Europe entre les deux guerres », Le Mouvement Social, juillet-septembre 1980, p. 32.

[119] Nguyen The Truyen avait été le premier animateur du Parti annamite de l’Indépendance fondé en 1926 avec l’appui du P.C.F.

[120] Ramananjato avait été le secrétaire de l’Union des Travailleurs Nègres soutenue à sa fondation en 1932 par le P.C.F.

[121] Le grand reporter Louis Roubaud (1884-1941) partit en Indochine après les événements de Yen Bay de février 1930 et en rapporta une enquête sur le nationalisme vietnamien et ses liens avec le mouvement révolutionnaire intitulée Viet Nam, la tragédie indochinoise (1931).

[122] Voir l’article de A. Renoult sur A. Viollis dans la revue Aden, 2009.

[123] Écrivain et journaliste, Léon Werth, à l’appel de Barbusse, dénonça la guerre du Rif. À son retour d’Indochine, il fit des conférences, avec Félicien Challaye notamment. Il écrivait dans de nombreux périodiques et fut rédacteur en chef de Monde de 1930 à 1933.

[124] Luc Durtain (1881-1959), de son vrai nom André Nepveu, était médecin. De ses voyages en Amérique, en Union soviétique et en Asie, il rapporta des essais et des romans. Il collabora à de nombreuses revues et notamment aux Cahiers de la jeunesse, qu’il fonda en juillet 1937 avec P. Nizan.

[125] La Lutte, 27 juin 1937. Professeur de philosophie, écrivain et journaliste, Dreyfusard, socialiste, membre du Comité Central de la Ligue des Droits de l’Homme, Félicien Challaye (1875-1967) fut avant tout un militant pacifiste. Membre du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes, il fit partie de son courant ultra pacifiste, hostile à toute intervention en Espagne. En juillet 37, il démissionna de la L.D.H. pour cause de désaccord sur la politique internationale et sur l’attitude face aux procès de Moscou. Son ultra pacifisme le conduira à soutenir le maréchal Pétain en 1940.

[126] Lettre dans les archives Jean Rous déposées au CERMTRI.

[127] Les anarchistes avaient créé leur propre organisation, la Solidarité Internationale Antifasciste ( S.I.A.) avec Nicolas Faucier, Henri Jeanson, Louis Lecoin, Robert Louzon, Vintrigner. H. Jeanson, avec ses compagnons, fut condamné à 18 mois de prison le 31 juillet 1939 pour avoir écrit : « Et pour ce qui est de la Tunisie et du Canal de Suez, rien à faire : Nous ne nous battrons pas. Vous vous adresserez au Conseil d'administration. »

[128] Allal El Fassi (1910-1974) était l’un des principaux leaders du mouvement nationaliste marocain, au sein du Comité d’Action marocaine, puis du Parti national marocain à partir de 1937. Il fondera le parti de l’Indépendance (Istiqlal) en 1943.

[129] Le leader bolchevique Nicolaï Boukharine (1888-1938) s’opposa à Staline qui le fit arrêter en février 1937 et juger à Moscou en mars 38 avec vingt autres inculpés dont le diplomate soviétique Christian Rakovski (1873-1941), Ce dernier en réchappa. Boukharine, lui, fut exécuté.

[130] Tract et compte rendu déposés au CERMTRI.

[131] Robert-Jean Longuet (1901-1987), dans les pas de son père (Jean), consacra l’essentiel de son activité militante et d’avocat au combat contre la politique française au Maroc et à la défense des militants nationalistes marocains.

[132] Marc Casati (1900- ?), agrégé d’histoire lyonnais, présida l’Union des fonctionnaires de Cochinchine. En 1933, il avait pris la tête d’une liste municipale hostile à René Robin et avait été élu maire de Saigon. Il avait adhéré au C.V.I.A. en 34 et était membre de la L.D.H (cf. J. Biondi et G. Morin, Les Anticolonialistes (1881‑1962), Hachette, 1993, p. 227).

[133] Agrégée de lettres, Colette Audry (1906-1990) milita à la C.G.T.U. puis au parti socialiste (cf. Séverine LIATARD, Colette Audry (1906-1990), une femme intellectuelle au. XXe siècle, Doctorat d’histoire, Université Paris I, 2007).

[134] Avocat, André Berthon (1882-1968) connaissait bien les questions coloniales. Il s’était engagé contre la guerre du Rif en 1925. Il avait adhéré à la Ligue contre l’impérialisme en 1927. Il avait été envoyé par le S.R.I. en Syrie. Il avait défendu la C.G.T. tunisienne et les manifestants solidaires des mutins de Yen Bay. En janvier 1935, à Paris, il fut l’un des avocats du leader nationaliste algérien Messali Hadj au procès de l’É.N.A. Député communiste de 1924 à 1932, il quitta le P.C.F. et rejoignit en 1935 le Parti d’unité prolétarienne.

[135] Édouard Depreux (1898-1981) adhéra à la S.F.I.O. au sortir de la Première Guerre mondiale et devint avocat.

[136] Bulletin mensuel d’information du Bureau de Défense des Peuples Coloniaux, juillet-août 1939, 8 pages (ronéo).

[137] Sur la perception de la montée du fascisme : Jacqueline Legoyet, L’alterna­tive révolution ou fascisme en Allemagne entre 1928 et 1933 vue par les syndicalistes-révolutionnaires de la Révolution prolétarienne, Maîtrise, Université de Paris I, 1969. Et aussi Trotsky, Œuvres, T. I, mars 1933-juillet 1933.

[138] Les pivertistes, notamment C. Audry et René Modiano, feront leur entrée au C.V.I.A., après le départ de militants du P.C.F., à l’été 1936 (Vigilance, 21 juin 1937, p. 4).

[139] Combat Syndicaliste, 1er mai 1935.

[140] « Aux signataires du manifeste contre la guerre et l’union sacrée », octobre 1935, Tract.

[141] Trotsky, Œuvres,T. 6, p. 51-52.

[142] Sur celle-ci, cf. Philippe Dewitte, Les Mouvements nègres en France (1919‑1939), L’Harmattan, 1985.

[143] Rapport de police du 26 août 1935, cité dans notre thèse de 3e cycle, Biographie de Messali Hadj, E.H.E.S.S., 1978.

[144] Voir le livre d’Emile Temime et Pierre Broué sur La guerre d’Espagne, Ed Flammarion.

[145] « En septembre 1936, le Maroc faillit se soulever. Témoignage sur les négociations entre le gouvernement espagnol et les nationalistes marocains », La Lutte Ouvrière, 7 avril 1939.

[146] El Ouma, septembre-octobre 1936.

[147] La Révolution Prolétarienne, 10 septembre 1936.

[148] « La politique coloniale et la classe ouvrière », Que Faire ?, octobre 1937.

[149] Yvan Craipeau, Bulletin Intérieur du P.O.I., 21 janvier 1938.

[150] À ce propos, lire Juliette Bessis, La Méditerranée fasciste, éd. Karthala, 1981.

[151] Programme de transition de fondation de la IVe Internationale, 1938.

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