L’autocensure des images
La sortie du film Mon colonel a remis à l’ordre du jour les rapports compliqués du cinéma français et de la guerre d’Algérie. On a encore, à cette occasion, évoqué la « fin d’un tabou » et « la sortie du silence ».
Le film de Laurent Herbiet sur un scénario de Costa Gravas et de Jean-Claude Grumberg raconte l’histoire d’un jeune soldat pris dans la tourmente algérienne dans l’année 1957.
Année terrible de la « bataille d’Alger », du passage au terrorisme urbain pour le FLN ; de la généralisation de la torture pour obtenir des « renseignements », et de la crise profonde de la gauche au pouvoir. Le film montre tout cela avec force, à partir du présent : une jeune femme soldat mène l’enquête sur l’assassinat d’un colonel en retraite (Olivier Gourmet, impressionnant) qui a dirigé une unité dans le Constantinois. Les scènes de guerre dans « le bled » sont restituées de manière remarquable. Et pourtant, le film est un relatif échec commercial...
Est-il si difficile de regarder la guerre d’Algérie sur un écran ? Oui, il est toujours difficile de fabriquer un consensus national autour de la décolonisation, et de la perte de l’Algérie française. Il reste comme une impossibilité à regarder cette guerre en face, à passer de l’expérience individuelle, traumatisante, au choc de la visualisation collective, par le cinéma. Cinquante ans après, les images sur les écrans n’arrivent toujours pas à rassembler les mémoires blessées…