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Programmation spéciale, cinquante ans après les accords d’Evian | LE MONDE TELEVISION | 02.03.12 |

Cinquante ans après la signature des accords d’Evian mettant fin à la guerre d'Algérie, documentaires et fictions fouillent les mémoires encore à vif pour esquisser une histoire commune aux deux pays, sans tabou ni a priori. D.R.

Surmonter les conflits de mémoires encore à vif pour esquisser  enfin une histoire qui rassemble. Une histoire commune de la France et de l'Algérie, sans tabou ni a priori; une histoire à plusieurs voix mais d'un seul tenant, suffisamment complète pour que tout le monde s'y reconnaisse, assez solide pour que chacun s'y adosse. Cinquante ans après la signature des accords d'Evian (le 18 mars 1962), ce défi-là reste immense.


C'est à cette tâche que se sont attelés Gabriel Le Bomin et Benjamin Stora. Le premier est réalisateur et scénariste, familier des images d'archives; le second, né à Constantine en 1950, est historien, spécialiste de l'histoire du Maghreb contemporain et en particulier de la guerre d'Algérie, à laquelle il a consacré de nombreux ouvrages et documentaires. Le fruit de leur minutieux travail en commun sera diffusé sur France 2, dimanche 11mars à partir de 20h45.

Poignant, parfois oppressant, Guerre d'Algérie, la déchirure constitue le point d'orgue de la programmation des chaînes publiques à l'occasion de l'anniversaire de la signature du cessez-le-feu. Les deux volets de ce documentaire (55 minutes chacun), qui s'articulent classiquement autour de l'année charnière 1958, couvrent l'ensemble de la guerre d'Algérie, de la "Toussaint rouge" de 1954 à l'indépendance en 1962. De nombreux fonds d'archives – notamment ceux de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), de l'armée, mais aussi de télévisions des anciens pays de l'Est – en ont fourni la matière. Le récit se nourrit des mémoires, mais son fil conducteur est bien celui de l'histoire, celle d'une incontrôlable spirale de la violence qui fournit la trame du texte lu par le comédien français Kad Merad   (Kaddour Merad de son vrai nom), né en 1964 à Sidi Bel Abbes (Algérie). Toutes les dimensions du conflit sont restituées, parmi lesquelles l'isolement diplomatique de la France, qui pesa sur son issue. Rien n'est passé sous silence. Notamment pas l'extrême cruauté de ces "événements" que l'on mit trente-sept ans à qualifier de "guerre". En témoignent, parmi d'autres, des images inédites de cadavres de soldats français auxquelles répondent d'autres séquences, comme celle qui montre un "indigène" abattu dans le dos.


L'ensemble est clair, équilibré et compréhensible par le plus grand nombre; en particulier par les jeunes qui "héritent" encore des soubresauts d'un conflit dont ils pourront, ici, apercevoir la complexité. Si l'on doit ne regarder dans cette période qu'un seul des programmes consacrés à ce sujet, c'est assurément celui-là.

Si aucun des autres ne se suffit à lui-même, certains valent toutefois le détour. On retiendra notamment Palestro, “Algérie: histoires d'une embuscade”. Ce documentaire de Rémi Lainé  , coécrit par Raphaëlle Branche, est un bon complément au film de Gabriel Le Bomin  et de Benjamin Stora. A partir  de l'épisode sanglant dont ont été victimes vingt et un rappelés français en mai1956, les auteurs ont remonté le temps en ce lieu pour chercher,  à identifier, dans la mise en place du système colonial, les sources de la violence qui s'y est ensuite exprimée.


Deux documentaires se situent dans un registre plus personnel, signe parmi d'autres que la guerre d'Algérie est une matière encore vivante. Jean-Michel Meurice, qui était jeune officier  à l'état-major d'Alger en 1961, évoque ses souvenirs dans son film, Algérie, notre histoire: "On nous disait bien comment tuer, où, quoi, par où, mais jamais pourquoi. Ni qui étaient ces fellaghas qu'il fallait tuer ." Auteur d'une histoire algérienne, le journaliste et réalisateur français Ben Salama, né en 1952 dans un village de Kabylie, ajoute lui aussi sa voix aux témoignages qu'il a recueillis auprès de personnalités françaises et algériennes.

La fiction permet également d'explorer plus avant certains pans de cette histoire. Pour Djamila, réalisé par Caroline Huppert d'après le livre Djamila Boupacha  publié en 1962 par Simone de Beauvoir  et Gisèle Halimi , illustre la bataille qui fut menée par des intellectuels et une partie de la presse française contre l'usage de la torture en Algérie. Tournée en 1965, La Bataille d'Alger , de l'Italien Gillo Pontecorvo , mérite d'être  vue (ou revue) pour ce qu'elle est – une reconstitution des épisodes parmi les plus sanglants de la guerre –, mais aussi pour se souvenir  de ce que fut ensuite le poids du silence: en l'espèce, quarante ans de censure en France.
Guerre d'Algérie. Mémoires parallèles. Un hors-série du "Monde". En kiosques, 100p., 7,50€.

Article paru dans le supplément , en kiosque avec Le Monde daté dimanche 4 - lundi 5 mars 2012.

Par Jean-Baptiste de Montvalon

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Des réalisations et des diffusions incertaines en Algérie

En Algérie, un certain flou entoure encore la programmation et les projets de films dans le cadre du cinquantenaire de l'indépendance. Si près de 150 scénarios ont été retenus par le ministère de la culture, leur financement reste encore incertain, en raison d'un conflit de compétences avec un autre ministère, celui des moudjahidine (anciens combattants) qui doit valider les scénarios.

Un film est déjà prêt, Zabana, du nom d'un des deux premiers combattants du FLN guillotinés durant la guerre d'Algérie. Réalisé par Saïd Ould Khalifa, le film retrace l'itinéraire militant d'Ahmed Zabana, blessé dans un accrochage le 11 novembre 1954, condamné à mort le 21 avril 1956 et exécuté le 19juin sous la pression des ultras de la colonisation. Le soir de l'exécution, le FLN avait diffusé un tract annonçant: "Zabana et Ferradj seront vengés." "Ce fut, en quelque sorte, la genèse de la bataille d'Alger qui mit à rude épreuve Massu et Bigeard…", explique le réalisateur dans un journal algérien.

Mohamed Lakhdar-Hamina, palme d'or au Festival de Cannes en 1975 pour Chronique des années de braise, est en train de terminer Le Crépuscule des hommes. Le film s'intitulait initialement Corvée de bois, formule utilisée par les soldats français pour désigner les exécutions sommaires de prisonniers, le plus souvent des civils, qui devaient creuser leurs propres tombes. Le film, inspiré de faits réels, raconte l'histoire d'un parachutiste français qui refuse d'exécuter un maquisard et qui s'enfuit avec lui vers la Tunisie.

D'autres films sur des figures de la révolution sont prévus mais leur réalisation reste incertaine… Pour des raisons bureaucratiques en général, mais aussi politiques. Une loi adoptée en 2010 donnant un droit de regard à l'Etat sur les films qu'il finance, spécialement pour ceux qui se rapportent à l'histoire, crée de nombreux blocages. C'est le cas pour un projet consacré à Krim Belkacem, un des grands chefs militaires de la révolution algérienne. Passé dans l'opposition en 1965, il a été retrouvé étranglé dans un hôtel à Francfort. De manière inattendue, un projet de film sur un autre héros de la guerre d'indépendance, Larbi Ben M'hidi, pendu par Aussaresses dans la nuit du 3 au 4mars 1957, rencontre, lui aussi, des soucis.

Le producteur et réalisateur Bachir Derrais accuse le ministère des moudjahidine de censurer ce projet. "Comme si on avait peur de voir un film sur Larbi Ben M'hidi parce que cela renvoie leur propre image, leur miroir", s'est indigné l'auteur.

Amir Akef, correspondance à Alger

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Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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