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Directions de thèses

 

Intervention de Benjamin Stora à la soutenance de la thèse de Mademoiselle Bénédicte Roy.

Le professeur Benjamin Stora, directeur de la thèse de Bénédicte Roy, commence son intervention en rappelant qu’il a dirigé ce travail sur recommandation de Madame Djamila Amrane, professeur à Toulouse, qui ne pouvait plus pour des raisons de santé suivre cette doctorante. Benjamin Stora se félicite de l’achèvement de ce travail d’histoire sur le « Groupe d’Oujda, entre mythes et réalités » qui, selon lui, présente une triple originalité.

 

Cette démarche est originale parce que, d’abord, elle poursuit l’étude de l’histoire de l’Algérie contemporaine dans l’après 1962. Trop souvent, en France, l’indépendance de l’été 1962 marque une fin dans l’investigation historique sur l’Algérie. Ce pays intéresse peu après sa « séparation » avec la présence française, et les travaux universitaires se font rares. Il est vrai que la version donnée par l’Etat algérien de sa propre histoire n’encourage pas les chercheurs de toutes nationalités à poursuivre les investigations historiennes. Et c’est l’un des mérites de Bénédicte Roy d’avoir tenté de se démarquer des récits officiels proposés par les pouvoirs en place en Algérie. La seconde originalité tient au fait que l’auteure s’est efforcée de pénétrer dans les arcanes compliquées du système politique algérien, toujours très opaque, difficile d’accès. Elle a accompli son travail en suivant et en établissant les parcours des personnages les plus emblématique de ce fameux « groupe d’Oujda » désigné comme les détenteurs occultes du pouvoir en Algérie. Apparaissent ainsi au fil des pages les figures de Houari Boumediene, Kaid Ahmed, Abdelaziz Bouteflika ou Mohamed Lemkani. Ces hommes forment le groupe qui se soude pendant la guerre d’indépendance algérienne livrée contre la France, et se renforce après l’indépendance. Bénédicte Roy montre que ces hommes vont être les artisans principaux de la mise en place d’un système autoritaire, d’enfermement répressif de la société algérienne. La troisième originalité est celle de la tentative d’écriture de l’histoire des représentations, d’examen critique des mentalités dans la classe politique algérienne de l’après 1962, à travers la fabrication d’un mythe, celui d’un « Groupe d’Oujda » agissant dans l’ombre dans la conquête et l’exercice du pouvoir. Cette thèse apparaît ainsi comme une contribution neuve à la connaissance des mythes fondateurs de la nation algérienne actuelle. L’histoire des mythologies fondatrices d’une nation reste encore un sujet peu étudié dans les pays du Maghreb, et le reste du monde arabo-musulman, relève Benjamin Stora.

 

Benedicte Roy s’est appuyée sur un « socle » chronologique conséquent, de la guerre d’Algérie à la prise du pouvoir brutal de 1965 par Houari Boumediene, en passant par les années de la tragédie algérienne des années 1990 débouchant sur la prise du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika (présenté alors, en 1999 comme un « survivant » du groupe d’Oujda). Benjamin Stora note tout de même quelques faiblesses chronologiques portant notamment sur la période de la guerre d’Algérie (en particulier le rôle joué aux frontières africaines par H. Boumediene ou A.Bouteflika).

 

Pour Benjamin Stora, le plan proposé est cohérent, passant des « origines » de la fabrication de ce groupe d’Oujda pendant la guerre d’Algérie, à la consolidation de groupe après 1962. Mais, pour le directeur de thèse, plusieurs questions continuent de se poser après l’écriture de cette thèse, notamment celle de l’existence réelle de ce « groupe » pendant les années de guerre contre la France. En particulier le fait que la plupart de ces hommes sont originaires de L’Est algérien (le Constantinois) alors que le groupe se baptise du nom d’une ville-frontière avec le Maroc (Oujda) ; sur la construction du mot « groupe », dont on peut imputer l’origine à l’opposition algérienne au régime qui se met en place dès les années 1960, ou à la presse étrangère, française en particulier. Sur la perpétuation de ce terme au moment de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, alors qu’il avait pratiquement disparu dans la période 1980-2000… Bénédicte Roy ne tranche pas vraiment entre ces interprétations possibles.

 

Benjamin Stora insiste également sur les difficultés d’écriture de cette histoire très contemporaine (immédiate ?) par difficultés d’accès aux sources, en particulier les archives étatiques algériennes qui restent en grande partie fermées. Bénédicte Roy a bien tenté de contourner cette grande difficulté en s’appuyant sur la presse française, et algérienne de langue française. Mais elle  ne maîtrise pas la langue arabe, ce qui ne lui permet pas de pénétrer dans cet univers compliqué. Le recours aux témoignages oraux, dont on peut regretter l’absence de publication dans les annexes, en particulier celui de Chérif Belkacem, ou du fils de Kaid Ahmed, dirigeants importants de cette période, ont toutefois permis de surmonter, en partie, ces problèmes.

 

En conclusion de son intervention, Benjamin Stora relève toutefois que cette thèse de Bénédicte Roy est une contribution neuve à la construction d’un récit général sur l’histoire de l’Algérie après l’indépendance.

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Ouvrages

Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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