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La guerre des mémoires (Ed de l’Aube). Avant propos

LE DEUIL INACHEVE DE L’EMPIRE COLONIAL   

Harkis, pieds noirs, descendants d’esclaves ou petits enfants de colonisés… La guerre des mémoires enfle. Chaque communauté, réelle ou autoproclamée, réclame une stèle, un mémorial, une loi. Pourquoi ce débat s’est-il réveillé  depuis quelques années ?

La France compte, aujourd’hui, sept à huit millions de personnes issues des anciennes colonies, soit deux fois plus que dans les années quatre-vingt . Les jeunes issus de cette immigration maghrébine et africaine se posent des questions sur leurs origines et les raisons des discriminations dont ils sont victimes  : la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (Halde) relève dans son rapport 2006, qu’un candidat d'aspect nord-africain a, par exemple, dix fois moins de chances d'obtenir un logement qu'un candidat dit « de référence », à revenu, emploi ou situation de famille égales,


Pour la première génération immigrée arrivant en France, la question primordiale était de trouver un travail. Cette préoccupation l’emportait sur toutes les autres. Ensuite, les enfants de la seconde génération ont réclamé l’intégration politique : ce furent les grandes manifestations comme la « Marche pour l‘égalité » de 1983. La troisième génération qui arrive aujourd’hui revendique plus que la simple question de l’égalité politique ; les jeunes de l’immigration post-coloniale veulent être français à part entière. Ils ne supportent plus le regard porté sur eux, et lorsqu’ ils réfléchissent au pourquoi des discriminations, ils se heurtent inévitablement à l’histoire coloniale ; ils y retrouvent des processus semblables de ségrégation et de mise à l’écart. C’est pourquoi leurs revendications et leurs interrogations sur le passé colonial viennent aujourd’hui bousculer la société française, ses élites, ses intellectuels, ses historiens.  

Parallèlement, d’autres revendications ont émergé. Les Arméniens, d’abord, avec la question de la reconnaissance du génocide de 1915. Et puis est apparue la «  communauté noire » qui a pris la parole publiquement en France en 1992, avec les contre manifestations liées aux commémorations du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.

Cinquante ans après la fin de l’empire, la question coloniale, en France, enflamme toujours  les esprits. Pourquoi ?  

Au cœur de la transmission de l’histoire coloniale, l’Algérie est centrale pour de multiples raisons : la présence française dans ce pays pendant près d’un siècle et demi, la succession de trois ou quatre générations d’Européens de 1830 à 1962 traumatisés par la perte de leur terre natale, le rôle important des troupes supplétives et l’arrivée d’une importante immigration algérienne en métropole des années 1930 aux années 1970…. Des millions de personnes se sentent toujours concernées par cette guerre d’Algérie qui a fait d’innombrables victimes. 

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Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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