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Pendant des siècles, des populations juives ont vécu dans le monde arabe aux côtés des musulmans, du Maroc à la Syrie, "une même histoire" que l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris raconte à travers une vaste exposition.

Intitulée "Juifs d'Orient, une histoire plurimillénaire" (du 24 novembre au 13 mars 2022), ce projet est le troisième volet d'une trilogie consacrée par l'IMA aux religions monothéistes, après "Hajj, le pèlerinage à la Mecque" en 2014 et "Chrétiens d'Orient, 2000 ans d'histoire" en 2017.

Lors de l'inauguration de l'exposition lundi, Emmanuel Macron a loué une "formidable leçon" de "coexistence", "d'enrichissement mutuel" et "d'échanges entre les monothéismes".

"L'identité" est "toujours plus complexe qu'on le croit et se frotte à d'autres identités pour s'en nourrir", a souligné le chef de l'Etat en fustigeant les "obscurantismes" d'aujourd'hui comme d'hier.

"Juifs d'Orient..." veut montrer que "cette si longue histoire ne se réduit pas à une seule cause et à un seul conflit (israélo-palestinien), mais s'est installée dans une durée extraordinaire", dit à l'AFP Benjamin Stora, historien et commissaire général.

Il ne s'agit pas de réconcilier ceux qui pensent que la cohabitation entre juifs et musulmans "doit être seulement décrite comme un exemple d'harmonie et de convivialité" et ceux "qui la décrivent seulement comme une suite de conflits terribles, notamment après l'apparition de la civilisation islamique", écrit Benjamin Stora dans un éditorial consacré à l'exposition. Mais "de donner des repères" sans lesquels "le monde ne saurait être viable".

"Lorsqu'on interroge les vieux musulmans, ils disent tous +on était dans la même histoire+. Juifs et arabes ont ainsi parlé ensemble arabe, écrit l'arabe dans l'espace public et politique, et ça a duré dix siècles", souligne-t-il.

Vestiges archéologiques, manuscrits anciens, peintures, bijoux, costumes, objets rituels, photographies, musiques et installations audiovisuelles: 280 œuvres provenant de grands musées internationaux et français, évoquent la vie des populations juives du Maroc à l'Irak, de la Tunisie à la Syrie.

- Le "temps des exils" -

L'exposition promène le visiteur de la Haute Antiquité à nos jours: des premiers liens entre les tribus juives de la péninsule arabique et le prophète Mohammed à l'essor des centres urbains juifs au Maghreb et dans l'empire ottoman; de l'émergence des principales figures de la pensée juive à Bagdad, Fès, le Caire, Cordoue et Safed à l'exil des juifs du monde arabe. Avec, comme fil rouge, l'attachement à une foi très ancienne.

Le parcours démarre avant l'ère chrétienne, lorsque pendant plus d'un millénaire les Hébreux vivent en Terre de Canaan. Avec les répressions romaines jusqu'au milieu du IIe siècle, la diaspora juive s'intensifie et les populations quittent Jérusalem, emportant avec elles les rouleaux de Torah. Galilée, Babylonie, Syrie et Egypte, d'une grande vitalité et diversité culturelle, sont alors leurs quatre grands foyers.

Du VIIe au XVe siècle, la majorité des populations juives vivent dans le monde musulman. Elles y adoptent la langue arabe, dans la multiplicité de ses dialectes, qui retranscrite en hébreu devient le "judéo-arabe".

Avec la conquête musulmane, juifs et chrétiens vivent sous le statut de "dhimmi", qui leur confère une position d'infériorité et de vulnérabilité tout en leur assurant une protection juridique ainsi qu'une relative autonomie administrative, fiscale et religieuse.

Mais ce statut est différemment interprété selon les périodes et les souverains. Les Juifs subissent de violentes attaques, notamment au Moyen-Age sous la dynastie des Almohades aux XIIe et XIIIe siècles. Des intellectuels et des savants juifs, chefs de leurs communautés, occupent néanmoins des places clés à la cour des califes.

L'exposition se conclut sur le "temps des exils" et le rôle de l'Europe dans la détérioration des relations entre juifs et musulmans, l'Holocauste puis la création d'Israël en 1948 et le début des guerres entre ce nouvel État et des pays arabes.

D'un million de personnes au début du XXe siècle, la population juive dans les pays arabo-musulmans est aujourd'hui de quelque 30.000, principalement en Turquie, Maroc et Iran.

Par Sandra BIFFOT-LACUT

AFP

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Hommage à Benjamin Stora, Mucem, Marseille, 31 mai 2018

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