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Quand Alger ouvrait ses portes à tous les «damnés de la Terre»

El Watan, Algérie, le 03.02.17 |

Du début des années soixante au milieu des années soixante-dix, l’Algérie indépendante apporte un soutien important aux mouvements anticoloniaux et aux révolutionnaires du monde entier. Les présidents successifs, Ahmed Ben Bella, puis Houari Boumediene, font d’Alger  une terre d’accueil de militants en lutte contre l’oppression coloniale ou raciale.

Alger, La Mecque des Révolutionnaires, documentaire écrit et réalisé par Ben Salama, a été diffusé dans la soirée de mardi au Musée National de l’Histoire de l’Immigration à Paris lors d’une soirée organisée par le Musée de l’immigration que préside l’historien Benjamin Stora, en collaboration avec Arte et Médiapart.

Ce film devrait être diffusé par Arte prochainement. La rencontre a été animée par Benjamin Stora, Edwy Plenel, directeur de Médiapart qui a vécu adolescent à Alger entre 1965 et 1970, Mohamed Harbi, un des plus proches collaborateurs de Ben Bella avant d’être arrêté et emprisonné au lendemain du coup d’Etat de Boumediène en 1965, aujourd’hui historien de renom, Alice Cherki, militante de l’indépendance de l’Algérie et qui a travaillé avec Frantz Fanon à l’hôpital de Blida, et Mohand Mohammed, auteur-réalisateur du film.

Quelques passages du film : une voix off, celle du Franco-algérien Nazim Boudjenah, de la Comédie Française commente le film. Juillet 1962 : l’allégresse de l’indépendance recouvrée inonde les rues d’Alger. En coulisses, une autre lutte commence. Celle des leaders nationalistes pour le contrôle du nouvel Etat. Pour l’heure, le héros c’est Ben Bella.

Houari Boumediène, ministre de la Défense, est le no 2. Octobre 1962 : Ben Bella est à New York pour l’entrée officielle de l’Algérie aux Nations unies. John Kennedy — un des soutiens de la Révolution algérienne — l’invite à la Maison-Blanche. Même la première dame américaine Jackie Kennedy, à son bras le dernier des enfants, John-John, était là pour voir le leader algérien. Des États-Unis, Ben Bella veut aller à Cuba, Kennedy tente de l’en dissuader.

Rien n’y fit. A La Havane, Ben Bella reçoit un accueil triomphal. Pour les Cubains, Ben Bella est l’homme qui a défié le blocus américain pour venir leur rendre visite. On apprend que Castro, Ben Bella et Che Guevara échafaudent des plans pour aider les révolutions en cours. Ben Bella sait que l’Algérie peut jouer un rôle important en Afrique. Partisan de la lutte non violente contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud, Nelson Mandela crée la branche armée de l’ANC après le massacre de Sharpeville en 1961 et cherche des soutiens.

C’est tout naturellement qu’il se tourne vers les révolutionnaires algériens. Il suivra lui-même une formation militaire dans les rangs de l’ALN sous la direction de Mokhtar Kerbeb. De retour en Afrique du sud en été 1962, il est arrêté et emprisonné. A sa libération en 1990, c’est aussi tout naturellement qu’il se rend à Alger pour remercier le peuple algérien et ses dirigeants pour leur soutien à la lutte contre l’apartheid. Pour porter l’orientation anti-impérialiste et africaine de l’Algérie, le journal Révolution africaine est créé.

Alger la blanche devient Alger la rouge

L’Algérie ouvre ses portes à tous les damnés de la Terre. C’est Amilcar Cabral, leader du mouvement de libération nationale de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert — PAIGC (assassiné le 20 janvier 1973, quelques mois avant l’indépendance de son pays) qui avait qualifié Alger de «Mecque des révolutionnaires». L’internationaliste Che Guevara est presque chez lui à Alger, y effectuant des séjours de plus en plus longs. Il y établit sa base arrière pour ses activités de guérilla en Afrique.

Le leader afro-américain, Eldridge Cleaver, en fait le centre de rayonnement international du Black Panther Party. En 1965, Ben Bella est au faîte de sa popularité, il croit pouvoir se débarrasser de la tutelle de Boumediène quand survient le coup d’état de celui-ci le 19 juin 1965. La politique extérieure ne change pas. Alger reste fidèle aux principes révolutionnaires.

Une vingtaine d’organisations indépendantistes trouvent refuge à Alger. La première représentation palestinienne est le Fatah, avec rang d’ambassade. Ensuite, c’est l’OLP dès sa création. Au début des années 70’, l’action algérienne se déploie sur le plan diplomatique. En septembre 1973, Alger accueille le sommet des Non-Alignés. En 1974, Boumediène défend depuis la tribune de l’ONU le Nouvel ordre économique mondial porté par l’Algérie.

Le président Nixon, faisant une entorse à la règle américaine de ne pas accueillir à la Maison-Blanche le chef d’un Etat avec lequel les États-Unis n’ont pas de relations diplomatiques (Alger a rompu ses relations avec Washington à la suite de la guerre israélo-arabe de juin 1967) reçoit à la Maison-Blanche le président Boumediène. Les relations entre les deux pays vont être rétablies.

Des accords pétroliers avec l’Algérie qui, trois ans plus tôt avait nationalisé les hydrocarbures, seront, par la suite, conclus. Cette même année, le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, invite le président de l’OLP, Yasser Arafat, à prendre la parole devant l’Assemblée générale de l’ONU qu’il préside. A cette occasion, le leader palestinien fera une offre de paix en prononçant son fameux discours au cours duquel il déclarait : «Ne laissez pas tomber de ma main le rameau d’olivier» qu’il brandissait. L’autre coup d’éclat de Bouteflika, celui d’avoir fait exclure le régime d’apartheid d’Afrique du Sud.

Nadjia Bouzeghrane

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