Il y a quarante ans, le 18 mars 1962, étaient signés les accords d’Evian entre les délégués des gouvernements français et ceux du FLN. Ils mettaient fin à la guerre et acceptaient l’indépendance de l’Algérie. L’historien Benjamin Stora revient sur cet événement.
Afrik : Quel regard peut-on porter 40 ans après sur les accords d’Evian ? Quelle est leur place historique ?
Benjamin Stora : Ils ne tiennent pas du tout la même place en France et en Algérie. En France, on se souvient plus de la guerre d’Algérie. Le contenu des accords reste largement ignoré dans l’opinion publique. Mais c’est une date charnière pour ce qu’elle signifie en terme de cessez-le-feu. En Algérie, la date principale dans l’imaginaire collectif est le passage à l’indépendance des 3-5 juillet 1962.
Qu’est-ce qui a poussé le gouvernement français à accepter ces accords ?
La France a décidé d’en finir avec l’Algérie française, les Algériens n’ayant pas pu être éliminés politiquement. La France était condamnée sur le plan international par l’ONU qui avait reconnu le droit à l’indépendance de l’Algérie. De plus, un mouvement de décolonisation existait à l’échelle mondiale, qui poussait la France à accepter cette indépendance. Enfin, le général de Gaulle voulait se tourner vers d’autres objectifs, en particulier l’Europe.
Quel rôle a joué la question du pétrole dans les négociations ?
Le pétrole saharien a tenu une place énorme. Deux questions ont retardé la signature des accords d’Evian. D’une part, la minorité européenne, les Pieds-noirs. Un million de français vivaient en Algérie et constituaient un point d’achoppement. D’autre part, les richesses sahariennes. La question du pétrole et du gaz algérien était centrale pour la France. Elle voulait aussi conserver l’espace saharien pour y effectuer des essais nucléaires. Donc, les négociations ont butté sur ce point. Les Algériens ont adopté une position de compromis à Evian. La France pouvait conserver un espace pour des expériences nucléaires et les compagnies pétrolières françaises bénéficiaient d’un traitement de faveur. Ces avantages ont perduré jusqu’en 1971, date à laquelle le président Boumediène a nationalisé les compagnies pétrolières.
Que pensez-vous de l’amnistie décrétée par ces accords pour tous les actes commis pendant la guerre ?
Aujourd’hui, aucun jugement n’est possible. On ne peut poursuivre personne. C’était d’ailleurs une des conditions des accords d’Evian. Cela répondait à une volonté de tourner la page. Il fallait résorber la fracture. Le putsch des généraux avaient eu lieu seulement un an auparavant et avait concerné la moitié de l’armée. Poursuivre quelqu’un remettait en cause la stabilité de la nation.
Est-il possible d’envisager à l’avenir une action judiciaire ?
Cela dépendrait d’une décision politique du gouvernement. Mais, il faudrait juger tout le monde, tous les acteurs. Aussi bien les putschistes, les membres de l’OAS que les Algériens. La France pourrait effectivement se retourner contre l’Etat algérien pour le massacre des harkis. Mais, ce n’est pas si simple. On réouvrirait tout. Ce n’est pas à l’ordre du jour.
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