Imaginaires de guerre, Algérie-Viêt Nam en France et aux États-Unis, Paris, ed. La Découverte, 1997, 252 pages ; ed poche, 2004 ; Alger, Réedition Casbah Editions, 1997, 252 p.
« Avec Imaginaires de guerre, Benjamin Stora continue un travail de publication entamé voici bientôt vingt ans sur le mouvement national algérien et la guerre de libération, et qui s’est traduit jusqu’ici par la production d’une (bonne) dizaine de livres et un grand nombre d’articles et de contributions à des œuvres collectives.
La production de cet universitaire est ainsi devenue incontournable pour quiconque s’intéresse à la question, même s’il a fallu attendre ces dernières années pour que certains de ses livres aient commencé à être réédités et diffusés dans le pays où il est né et autour duquel se concentre l’essentiel de ses écrits. C’est d’ailleurs la première fois qu’un de ses ouvrages est mis à la portée du public algérien l’année même de son édition en France, et ceci est en soi révélateur du chemin parcouru dans notre pays, vers un regard moins conformiste sur tout ce qui touche à une période essentielle pour l’émergence de ce qui fait notre présent. En fait, il s’agit moins ici d’un travail historiographique au sens traditionnel du terme, que d’une production visant l’exploration de la mémoire de la guerre, en continuité avec le livre décapant pour la pensée que constitue La gangrène et l’oubli (édité en 1991). Imaginaires de guerre est cependant original d’un triple point de vue.
Tout d’abord, il fait une approche croisée entre deux guerres qui ont marqué le mouvement de libération en ce XXe siècle, celle qui concerne, nous dit l’auteur, le pays de sa vie (l’Algérie qu’il a quitté très jeune) et celle du pays de son combat (le Viêt-Nam). Nous avons là une comparaison très utile quant aux voies qui ont dû passer par la violence révolutionnaire pour assurer ou consolider l’émergence de l’état nation dans le Tiers monde contemporain.
L’auteur nous indique comment l’histoire et les enjeux de ces conflits influent sur la façon divergente dont fonctionne jusqu’à nos jours la mémoire de ces guerres dans chacune des deux puissances concernées. L’approche comparatiste devient d’autant plus passionnante qu’elle induit en fait une série de drames où interviennent quatre protagonistes qu’on peut croiser de plusieurs façons différentes : Algérie-Viêt-Nam, France-Algérie, France-Indochine (dans une moindre mesure dans l’ouvrage), Etats-Unis-Viêt-Nam et France-Etat-Unis. La mémoire est enfin interrogée à travers un outil privilégié, l’image sous ses différents aspects : photographique, télévisuelle ou cinématographique, bande d’actualité et documentaire ou film de fiction (contemporain ou postérieur aux deux guerres).
La lecture de son livre devrait par ailleurs inciter les Algériens à approfondir une recherche à travers la mémoire par l’image et le cinéma, d’autant plus que quelques écrits, il est vrai épars et pas toujours accessibles à notre public, ont déjà commencé à aborder la question. L’idée d’approches comparées avec d’autres mouvements nationaux, peut aussi être porteuse de fécondité pour la compréhension de notre présent. »
Hassan Remaoun, avril 1997. Préface à l’édition algérienne.