La guerre d’Algérie vue par les Algériens, de Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora, dont le premier volume Des origines à la bataille d’Alger, paru en octobre 2011, est présenté par son éditeur (Denoël) comme «L’autre regard sur la guerre d’Algérie : l’ouvrage le plus neuf
et le plus attendu pour la commémoration de 1962».
Paris. De notre correspondante Nadjia Bouzeghrane
A la question : « Peut-on raconter autrement l’histoire de la guerre d’Algérie ? », Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora qui viennent de publier La guerre d’Algérie vue par les Algériens. Volume 1 Des origines à la bataille d’Alger, aux éditions Denoël (octobre 2011) précisent, d’emblée, dans une note de dernière page de couverture que l’ambition de ce livre est de «rapporter, à partir de toutes les sources possibles, un récit, lisible par tous, de cette guerre telle qu’elle a été vécue et relatée par les Algériens, et en premier lieu par les militants et combattants indépendantistes». Comme l’aurait fait, en historien, un hypothétique envoyé spécial français de l’autre côté de la «ligne de front» pendant le conflit. «Ce changement de perspective permet de jeter un regard neuf sur ce qu’on appelle généralement, du côté algérien, la guerre de Libération nationale ou la Révolution. Qu’il s’agisse des dates essentielles, du nombre de victimes, du déroulement des batailles, du comportement des populations civiles, des rapports entre Européens et Algériens, de l’utilisation de la violence ou de la torture, des objectifs de la lutte ou, bien sûr, des ‘‘héros’’, tous les aspects du conflit, et notamment les plus tragiques, prennent un tour totalement différent, et très instructif, dès qu’on les considère à partir de ce seul point de vue, ce qui permet aussi d’éclairer d’un jour nouveau le destin contemporain de l’Algérie».
Et lors d’une présentation publique de leur ouvrage, samedi, à la Librairie Gutemberg (12e arrondissement de Paris), les deux auteurs se sont accordés à dire que ce livre n’est pas de donner une autre version de la guerre d’Algérie et de la période qui l’a précédée, mais de faire un récit objectif tel qu’on peut voir la guerre de l’autre côté de la Méditerranée et de signaler qu’il faut se garder des «clichés» et des «idées reçues» sur l’Algérie et les Algériens. Ils ont également relevé la méconnaissance, voire l’aveuglement, des Français de métropole et des Européens d’Algérie sur cette partie de l’histoire franco-algérienne et sur ce qui s’est passé en Algérie. En France, on a de la guerre d’Algérie «une vision d’un parti unique, d’êtres frustes sans éducation, d’une révolte d’analphabètes. La plupart des militants nationalistes sont citadins, instruits», signale
Benjamin Stora. «Quand la guerre éclate, la classe politique française argue de l’absence d’interlocuteurs algériens, il fallait juste voir et s’intéresser aux milliers de militants nationalistes». Et aussi «à relire ce livre, on mesure la richesse, la complexité des débats chez les militants algériens, le foisonnement des idées, des personnages, des divergences». La méconnaissance continue cinquante ans après. «Combien de Français, aujourd’hui, connaissent Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, Zighout Youcef ou Ahmed Zabana ?», relève encore Benjamin Stora.
Des centaines de récits, de témoignages, mais aussi de livres et de travaux universitaires, en arabe et en français, ont été à l’origine de ce travail qui vise, selon ses auteurs à «rétablir l’équilibre d’un point de vue de la connaissance».
Il est à préciser que Renaud de Rochebrune est conseiller de la direction de Jeune Afrique après en avoir été l’un des rédacteurs en chef, il a été le coauteur des Mémoires de Messali Hadj (Lattès, 1982) et l’éditeur de Le FLN, mirage et réalités de Mohamed Harbi (éditions Jeune Afrique, 1980). Il est également l’auteur de Les Patrons sous l’Occupation (Odile Jacob, 1995, avec Jean-Claude Hazera). Quant à Benjamin Stora, qui n’est plus à présenter, il convient de rappeler toutefois qu’il est professeur d’histoire du Maghreb contemporain à Paris-XIII, qu’il a publié une trentaine d’ouvrages, en majorité consacrés à l’Algérie, et est l’auteur de plusieurs documentaires. Puisse ce livre être diffusé en Algérie également et traduit en arabe, c’est le vœu des auteurs mais aussi de tous ceux et celles qui sont attachés à une histoire renvoyée à son objet propre et à ceux dont le métier est de la restituer pour peu qu’ils en aient les moyens et les conditions, la première de ces conditions est qu’elle soit libérée des scories d’instrumentalisation idéologique ou politicienne.