Le mystère De Gaulle - Son choix pour l'Algérie. Ed. Robert Laffont (3 septembre 2009) 263p.
Philippe De Gaulle - AMIRAL (2 S) - MEMBRE HONORAIRE DU PARLEMENT - Paris le 20 octobre 2009
Cher Monsieur,
Dans ma famille, lorsqu’un auteur sur « De Gaulle », me fait parvenir son livre, on dit « c’est mauvais signe pour la bonne foi de l’ouvrage ». Vous m’avez envoyé le vôtre dédicacé. C’est au départ, une garantie de sa qualité.
Il est, en effet, dense, sérieux, documenté et bien écrit, concernant « le choix » de mon père pour l’Algérie, qui a été de plus en plus restreint au fur et à mesure que les exactions de l’OAS faisaient passer les Français pour de moins en moins fiables.
C’est encore, bientôt un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, l’un des sujets sur lequel on trouve les affirmations les plus fausses, les chiffres les plus exagérés, les silences les plus exploités et les revendications les plus abusives.
Outre les passions exacerbées par les erreurs et les souffrances, les plus sourds n’ont rien entendu – d’où probablement votre titre de « Mystère ? – de ce que le Général a dit après le « Je vous ai compris » : la nécessité du changement en une seule catégorie de citoyens à part entière, la constatation de la fraternisation entre eux, le tout étant aussi un appel au FLN qui, perplexe, avait cessé tous les combats à ce moment-là, ce que les « Pieds-noirs » avaient complètement oublié.
Toutes proportions gardées, la même erreur avec ses néfastes conséquences, s’était produite le 6 juin 1944, lorsque beaucoup n’ont rien entendu d’autre que : « La bataille suprême est engagée » - c’est à dire « le débarquement de la Libération », et non pas un quelconque commando comme à Bruneval – alors que le but même de cette allocution état les consignes claires et nettes pour éviter des fausses manœuvres coûteuses dont nos alliés ne s’étaient guère préoccupés.
Vous êtes l’un des rares à avoir rappelé la Déclaration du 16 septembre 1959 qui était capitale et qui aurait pu déboucher sur une conjoncture bien meilleure si de professionnels de l’Armée et les Français d’Algérie ne l’avaient pas délibérément sabotée.
De 1958 à la fin de 1959, le Général De Gaulle avait remarqué combien étaient optimistes les comptes-rendus de l’Armée par rapport aux renseignements qu’il avait par ailleurs. Il ne se faisait pas d’illusion : c’était un pragmatique malgré ses ambitions et ses sentiments.
Je regrette par ailleurs que les historiens n’aient pour ainsi dire pas discerné la période du 18 mars au 3 Juillet 1962 du Gouvernement provisoire Fouchet - Abdrerrahmane Farès qui aurait pu s’affermir et durer bien plus longtemps si les agités précités ne s’étaient pas autant acharnés à l’empêcher, au point que beaucoup de morts après ces deux dates sont le fait de l’OAS comme du FLN.
En bref, après un demi-siècle, il est bien qu’un ouvrage comme le vôtre commence à parler valablement de l’Algérie.
Il est bon que vous ayez cité l’ouvrage d’Yves Courière (réédité en Bouquins-Laffont-1990) qui donne des chiffres que beaucoup évitent de mentionner. Le roman de Michel Droit : « La ville blanche » (Julliard-1973) décrit assez bien l’ambiance du temps et des personnages en termes atténués. Ce sont le Gouvernement du Général De Gaulle et l’Armée loyale qui se sont occupés d’évacuer ou d’exfiltrer les harkis, ou « supposés tels » (sic), comme le dit la Loi de 2006. Pas les autres, malgré leurs clameurs indignées à ce sujet pour donner le change pour camoufler leurs écrasantes responsabilités en amont et en aval.
Dans le cas où vous ne l’auriez pas déjà lu, j’ai cru pouvoir vous adresser ci-joint l’exemplaire N°152 de la Revue « Espoir » qui m’évite d’allonger encore cette lettre.
Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de ma déférente et amicale considération.
Amiral Philippe De Gaulle.