"Dans l'ombre de Charonne" : un récit graphique criant d'émotion et de vérité. PARIS, 10 jan 2012 (AFP) - 10.01.2012 14:15
Faire vivre l'Histoire, c'est le pari réussi d'un récit graphique bouleversant, "Dans l'ombre de Charonne", nourri du témoignage d'une rescapée du drame, symbole de la résistance à la guerre d'Algérie, qui fit neuf morts le 8 février 1962 dans la station de métro parisienne.
Dans ce premier titre d'une nouvelle maison d'édition baptisée Mauconduit, Désirée Frappier (texte) et Alain Frappier (dessin) ont restitué avec beaucoup de justesse ce témoignage intime en le replaçant dans son contexte.
Album graphique d'une grande force, dans la lignée de "Maus" de Art Spiegelman ou de "Gaza" de Joe Sacco, les auteurs mélangent mémoire individuelle et Histoire, tout en immergeant le lecteur dans l'ambiance des années 60 : la société de consommation naissante, les flippers, les boums, la Nouvelle Vague...
"Cet album arrive dans ce moment de retour de mémoire autour de la guerre d'Algérie", souligne l'historien Benjamin Stora dans sa préface. "Le respect des faits historiques et de l'émotion est un exercice toujours délicat. Mais tout cela est mis en scène finement, avec une sobriété bienvenue, un sens aigu des situations et ce goût du détail qui installe une atmosphère", se réjouit-t-il.
Maryse Douek a alors 17 ans. Elève au Lycée de Sèvres, cette jeune fille originaire d'Egypte décide avec ses amis de participer à une manifestation contre l'OAS à Paris.
Après huit ans de guerre, l'OAS multiplie les attentats à la bombe dans la capitale. Le 8 février, des manifestants qui refusent la guerre se regroupent aux cris de "OAS assassins !", "Paix en Algérie !"
La manifestation est interdite par le préfet Maurice Papon. La répression est terrible et la police charge avec une extrême violence.
Prise de panique, comme beaucoup d'autres, la jeune Maryse se retrouve ensevelie sous un magma humain sur les marches du métro Charonne dans le 11e arrondissement. Les policiers frappent à tour de bras et jettent des grilles de fonte sur l'enchevêtrement de corps réduits à l'impuissance.
Bilan : neuf morts, dont un jeune de 15 ans, et 250 blessés.
Cinquante ans plus tard, devenue sociologue et toujours marquée par Charonne, Maryse Douek-Tripier livre son témoignage à Désirée Frappier, qu'elle connaît depuis des années, donnant une dimension sociologique et historique à ce touchant récit personnel.
("Dans l'ombre de Charonne" - Désirée et Alain Frappier - Préface de Benjamin Stora - Editions du Mauconduit - 136 p. - 18,50 euros - Sortie le 18 janvier)
© 2012 AFP