Spécialiste de la guerre d’Algérie, l’historien Benjamin Stora publie un nouveau livre consacré à la "déchirure" entre la France et l’Algérie. Pour lui, les accords de 1968 ont été vidé de leur substance il y a longtemps.
Avec ces accords de 1968 entre la France et l’Algérie, de quoi parle t’on exactement ?
«En 1962, les accords d’Evian prévoyaient la libre circulation totale entre les deux pays. Celle-ci visait surtout les Français d’Algérie. C’était les 30 Glorieuses. Les travailleurs algériens ont également traversé la Méditerranée et ont d’ailleurs contribué au développement de la France. En 1968, le général de Gaulle a décidé de réguler les frontières. C’est devenus plus strict, y compris pour les Algériens, malgré quelques compensations.»
Les Algériens ont-ils un traitement de faveur ?
«Non ! En 1974, Valery Giscard d’Estaing ferme les frontières à l’immigration. En 1986, les Algériens se voient imposer le visa. Encore aujourd’hui, ils doivent faire la queue pendant des heures pour le demander. En 1993, de nouvelles restrictions concernent les étudiants étrangers. Et les Algériens sont particulièrement touchés. Durant la guerre civile des années 1990, les frontières françaises n’étaient pas ouvertes. Je me souviens de nombreux amis ayant eu les pires difficultés pour venir en France alors qu’ils fuyaient ce conflit. La France n’a jamais ouvert ses frontières, y compris durant la décennie sanglante. En Algérie, tout le monde connait ces restrictions.»
Comment ce débat est-il vécu de l’autre côté de la Méditerranée ?
«Les Algériens le ressentent comme une vexation supplémentaire à leur égard. Nous sommes face à un argument idéologique brandi par une partie de la classe politique française pour, quelque part, entraver le travail mémoriel. Comme si la guerre d’Algérie n’était pas terminée. Les accords de 1968 ont été vidés de leur substance il y a longtemps. Ce genre de comportement entrave les efforts pour obtenir la libération de l’écrivain Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes.»
A lire : France-Algérie : Anatomie d’une déchirure (45 questions pour tout comprendre), par Benjamin Stora et Thomas Snegaroff, ed. Les Arènes, 200 p., 17 €


































































