Par Jean-Pierre Bonnel
B.Stora m'a offert son dernier livre (disponible dans les librairies, début septembre, éditions Stock, 12,50 euros) : "Camus brûlant”, écrit en collaboration avec le documentariste Jean-Baptiste Péretié, sur l'affaire trouble de l'exposition sur Camus, prévue à Aix pour le 100ème anniversaire de sa naissance en novembre 2013.
Je me disais que j'avais bien de la chance d'être un des premiers lecteurs de ce livre, dédicacé aux “Templiers” de Collioure, et qui se lit comme un polar : l'écriture rapide, mais précise, sèche comme la lame d'un laguiole, qui se ferait du bien en rentrant dans le lard des protagonistes vulgaires, hypocrites et fanatiques de cette histoire presque marseillaise... L'ouvrage débute de façon modérée en désirant montrer que l'affaire est "symptomatique et révèle les questions soulevées par Camus restent extrêmement sensibles et provoquent des tensions toujours vives..." Ensuite, Benjamin Stora et son complice expliquent le contexte de ce qui aurait dû être une belle histoire et a fini en polémique et gesticulations de nostalgiques de l'Algérie française...
Les deux auteurs travaillaient sur le projet depuis trois ans; le scénario qu'ils ont proposé aux organisateurs a été accepté;puis tout a vacillé : projet rejeté sans explication claire ! La raison de ce retournement : "La vision d'A.Camus que nous portions ainsi que la tentation de mettre l'écrivain au service d'une certaine ligne politique constituent selon nous l'arrière-plan qui éclaire cette affaire." (page 12) En effet, l'action de la mairesse d'Aix, UMP, mais aux déclarations proches des idées du Front national, a été décisive...
En outre, la structure "Marseille-Provence 2013" ne soutint guère les deux auteurs; il n'y eut que la ministre de la culture pour soutenir B.Stora et J.B.Péretié... Camus est détourné, Camus est récupéré alors par des responsables politiques extrémistes : "Dans ces milieux de la "nostalgérie", on aime à s'approprier Camus. On le présente, de façon simplificatrice, sous les traits d'un pied-noir pro-Algérie française." (page 26). Camus est récupéré à Aix, mais aussi à Perpignan, par le maire UMP qui crée un musée algérianiste et un "mur des disparus" (p.35), en détournant une phrase extraite du roman "La Peste" !!! (On reviendra sur "l'affaire Perpignan" plus tard). A ce moment-là, le "philosophe populaire" Michel Onfray, attiré peut-être par le pactole et la gloriole, se met sur les rangs, sans mauvaise conscience en trahissant un confrère, intellectuel, historien, prof d'université : M.Onfray, que l'on imaginait "de gauche", semble bien s'accorder avec la mairesse aixoise ! Puis, il fait volte face, il quitte le projet, tout en publiant, dans "Le Monde" un article amer, qui attaque les intellos parisiens, tous ces bobos qui n'ont pas, comme lui, l'esprit libre et l'âme libertaire...
Je ne vous en dis pas plus : ce petit livre est admirable ! Voltaire n'est pas mort, qui montre que la bêtise rôde toujours dans les villes du Midi (et d'ailleurs, hélas!). Avant que le livre ne soit disponible en librairie, vous pouvez venir demain vendredi au débat sur "Camus et l'Algérie" à Collioure (20h, centre culturel, entrée libre et gratuite, sans chiens de garde).