Camus brûle-t-il ?
Brutalement évincé en mai 2012 de l’exposition du centenaire Camus qu’il devait proposer dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Benjamin Stora signe avec le documentariste Jean-Baptiste Péretié un Camus brûlant qui remet les pendules à l’heure… L’ouvrage revient sur le « pataquès » d’Aix-en-Provence, « une des villes françaises où les nostalgiques de l’Algérie française forment, aujourd’hui encore, soulignent-ils, un groupe de pression non négligeable ». Là où se trouvent les archives de l’écrivain, mais aussi une mairie qui « était, semble-t-il, hostile à l’un de nous, historien spécialiste du Maghreb ». Les deux auteurs souhaitaient notamment montrer « l’engagement de Camus contre les injustices de l’administration coloniale et sa position complexe lors de la guerre d’Algérie ». Cela reste sans doute insupportable aux yeux de certains partisans de la « nostalgérie »…
Au-delà de la polémique, ce petit livre fait aussi œuvre de pédagogie contre tous ceux qui voudraient annexer la pensée de Camus, le lire de manière univoque, l’enrôler dans des combats politiques douteux – jusqu’à l’extrême droite. Le malentendu sur l’auteur de L’étranger n’épargne pas non plus sa terre natale. En Algérie, il est souvent réduit sur le plan esthétique à un « écrivain colonial », sur le plan politique à un « militant de l’Algérie française ». On en rallumerait presque la querelle avec Sartre.
Appropriation excessive d’un côté, rejet radical d’un autre… Pour Stora et Péretié, l’écrivain apparaît pourtant « comme une référence de justesse et de mesure, notamment sur les questions de la violence et du terrorisme ». « Homme entre deux rives », il a voulu jeter des ponts pour prévenir les haines réciproques, les séparations. Aujourd’hui sorti du purgatoire, Camus est devenu « une référence majeure pour toute une frange de la gauche sociale-démocrate ».? Une autre forme de captation.
Michel Puche.
Camus brûlant, de Benjamin Stora et Jean-Baptiste Péretié, 120 p., Ed Stock.
En librairie le 4 septembre. 2013.