Dans le passé, Benjamin Stora a beaucoup écrit sur la mémoire, ses failles, ses rejeux, ses déplacements et son exil, surtout, de part et d’autre de la Méditerranée. Mémoire collective de la (dé)colonisation, France-Algérie, guerre sans nom. S’il fallait ne donner qu’une référence, ce serait bien sûr La Grangrène et l’oubli (1991,1998 La Découverte Poche). Ici, néanmoins, on aura une préférence pour Le Transfert d’une mémoire (La Découverte, 1999), dont le titre annonçait discrètement une prochaine libération de la parole intime .
Voila qu’aujourd’hui, en effet –glissement aussi crucial que périlleux-, Stora se fait l’historien de sa propre mémoire : dans La Dernière génération d’Octobre (Stock, « Un ordre d’idées, 288 p, 20€), pour la première fois, sans toujours pouvoir s’y tenir, il dit « je ». Et raconte son enfance au 2, rue Grand, à Constantine (la « Jérusalem du Maghreb », l’exil familial en juin 1962, les épousailles avec la République, enfin, par l’entremise de l’espérance révolutionnaire.
Car si pour l’enfant Stora, la France, ce fut d’abord l’Algérie (1870, décret Crémieux : les juifs d’Algérie sont citoyens français), pour Stora adolescent, au cœur des années 1960, c’est l’engagement dans le mouvement trotskiste qui tiendra lieu de passeport national.